Opéra, 14 octobre
Quand nous l’avions découverte à Saint-Maur-des-Fossés, en janvier 2011 (voir O. M. n° 60 p. 68 de mars), puis revue à Clermont-Ferrand, en octobre 2013 (voir O. M. n° 90 p. 50 de décembre), cette production, signée Pierre Thirion-Vallet, nous avait beaucoup plu : vision intelligemment classique, jouant sur le contraste entre le rouge et le noir ; décor évocateur, à parois mobiles ; superbes robes années 1950 ; éclairages raffinés.
Dans sa nouvelle distribution, on retrouve un plaisir aussi vif. Violetta a la beauté gracile de la soprano franco-américaine Erminie Blondel. D’une sensibilité toujours aux aguets, sa voix délicate épouse les nuances de l’héroïne, avec des aigus lumineux et assurés. « Ah, fors’è lui » est empreint d’une douceur éthérée, « Amami, Alfredo », d’un vrai désespoir, et « Addio, del passato », d’une grâce souveraine et pathétique.
Erminie Blondel forme un duo idéal avec l’Alfredo du ténor français Matthieu Justine, qui a l’âge et le physique du rôle, avec une voix chaleureuse et juvénile. La scène finale se mue en lamento poignant, que le public acclame. L’élégante mezzo franco-marocaine Ahlima Mhamdi donne du panache à Flora, tandis qu’Annina, ici présente dès le début, prend une touchante humanité, grâce à la soprano japonaise Noriko Urata.
En Giorgio Germont, Kristian Paul prête à la figure paternelle sa présence imposante. Sa belle voix sombre suggère une vulnérabilité inhabituelle. Le baryton français a d’autant plus de mérite que, remplaçant Leonardo Galeazzi, tombé malade juste avant la première, il n’a bénéficié, en tout et pour tout, que d’une seule et unique répétition.
Côté comprimari, Jiwon Song, Guilhem Souyri, Jérémie Brocard et Joseph Kauzman sont parfaitement à leur place. Composé de l’Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne (ELCA), le chœur se montre à la hauteur des enjeux.
Le jeune chef belge Cyril Englebert allie précision et passion, l’Orchestre de l’Opéra de Reims mettant son sens des nuances au service des couleurs de la partition. Aux saluts, l’enthousiasme du public provoque de nombreux rappels.
Après ces trois représentations rémoises, le spectacle part en tournée hexagonale sous l’égide d’Opéra Nomade, pour un total de quinze soirées. À ne pas manquer !
BRUNO VILLIEN