Blue raconte le drame d’un couple noir américain confronté à la mort de son fils unique, tué par un policier blanc. Le librettiste et metteur en scène Tazewell Thompson expose les thèmes brûlants du dernier opéra de Jeanine Tesori, dont le DNO d’Amsterdam présente la création européenne.
Blue traite des problèmes sociaux, économiques et raciaux aux États-Unis. Quel est le point de départ, et le thème principal de cet opéra ?
Blue évoque le destin d’une famille noire de la classe moyenne, vivant à Harlem, et composée de jeunes parents remplis de rêves réalistes et d’attentes positives pour leur enfant unique. Mais la brutale réalité fait tout voler en éclats, lorsque leur fils est tué par un policier blanc. Comment la communauté fait face à ce drame, se rassemble et, avec amour, soutient la famille en deuil, voilà les thèmes de cet opéra.
La création de Blue, au Glimmerglass Festival en juillet 2019, a eu lieu peu avant la pandémie, et le meurtre de George Floyd. Comment décririez-vous cette œuvre dans le nouveau monde dans lequel nous vivons, en particulier celui de l’opéra ?
Pas si « nouveau monde » du point de vue des Noirs américains ! Le spectre hideux du racisme est sorti de son repaire, ayant reçu de la précédente administration au pouvoir, cette source de division, l’autorisation de répondre présent à l’appel. Blue est un opéra nécessaire en ces temps troublés, où le racisme et la désinformation font rage. Le sujet de la brutalité policière contre des Noirs américains non armés n’a pas de durée de vie, pas de date d’expiration.
Blue peut-il être considéré comme un « Black opera » ?
Avec son histoire empreinte des thèmes, de la culture et de l’humour associés à la communauté noire ; qui se déroule dans le quartier noir de Harlem ; écrite par un homme noir ; et chantée par une distribution entièrement noire, oui, je suppose que Blue pourrait être qualifié de « Black opera ». Mais cette œuvre ne peut être réduite à cette étiquette. Car la musique et le texte proposent une expérience dévastatrice, qui questionne le plus largement possible la compassion et la compréhension humaines, la résilience, le pardon et la réconciliation.
Ressentez-vous des changements dans le monde de l’opéra, dont le public est majoritairement blanc ?
Oui ! Cela change lentement, car les maisons d’opéra reconnaissent la nécessité de présenter des histoires en dehors et au-delà de l’expérience blanche, écrite et composée par des hommes blancs morts. Même si ces chefs-d’œuvre du répertoire sont de grands chevaux de bataille, il faut espérer que les prochaines saisons incluront des opéras qui proposent d’autres récits, et attirent de nouveaux publics de couleur.
Comment vous sentez-vous à la veille de présenter Blue à un public européen pour la première fois ?
Exalté, reconnaissant, et profondément touché ! Que la première européenne ait lieu au DNO d’Amsterdam, qui fait preuve d’une grande ouverture d’esprit, rend le moment encore plus fort.
Propos recueillis par EDOUARD BRANE
À voir :
Blue de Jeanine Tesori, avec Kenneth Kellogg (The Father), Aundi Marie Moore (The Mother), Darius Gillard (The Son), Will Liverman (The Reverend), sous la direction de Kwamé Ryan, dans une mise en scène de Tazewell Thompson, au DNO d’Amsterdam, du 7 au 22 novembre 2022.