Opéra Bastille, 17 septembre
Pour sa cinquième reprise, on revoit toujours, avec la même satisfaction, cette production, arrivée à l’Opéra Bastille en 2014, aussi intelligente que plastiquement enthousiasmante – de fait, l’une des perles du répertoire de l’Opéra National de Paris (voir, en dernier lieu, O. M. n° 170 p. 47 de mars 2021). Plaisir redoublé par les nouveaux venus de la première des deux distributions.
Car il y a, également, plusieurs retours : René Pape, déjà présent en 2017, redonne l’immuable Sarastro qu’il est de droit, beauté presque intacte du timbre, dont la qualité toujours supérieure frappe aussi, après les précédents, dans la justesse et le poids des interventions parlées, mais acteur trop retenu et comme un peu las, pour une présence scénique minimum ; et Martin Gantner, déjà Orateur par trois fois ici, accusant physiquement l’âge, mais pas pour une élocution exemplaire et une impressionnante projection.
Au premier rang des nouveaux, Pretty Yende, qui avait pris le rôle impromptu à Genève, en 2015. La séduction, avec un irrésistible sourire, et le naturel font mûrir savamment une Pamina d’abord adorablement enfantine, pour gagner progressivement en assurance, avec, bien sûr, la pure beauté du timbre cristallin, parfaitement homogène, et la maîtrise du legato, pour un « Ach, ich fühl’s » de tout premier ordre. La salle lui fait un triomphe mérité.
Titulaire du rôle, sur de multiples scènes, depuis plusieurs années, Mauro Peter, d’abord un peu contracté pour « Dies Bildnis ist bezaubernd schön », redonne ensuite, avec une impeccable sûreté, son Tamino qu’on souhaiterait parfois d’un classicisme un peu moins sage.
Double découverte, avec le baryton britannique Huw Montague Rendall, pour ses débuts in loco, Papageno agile et bondissant, tout autant spirituel que d’une jeunesse revigorante, parfois à la limite du surjoué, mais sans cabotinage ; et le ténor canado-irlandais Michael Colvin, Monostatos d’un relief étonnant, par ailleurs excellent Spoletta dans la reprise de Tosca (voir plus haut). Comme encore la splendide Papagena de la soprano française Tamara Bounazou, dont on suit depuis deux ans la rapide percée, d’une vivacité et d’un charme irrésistibles, et qui ne transporte pas moins la salle.
Caroline Wettergreen est un peu crispée dans le premier air de la Reine de la Nuit, irréprochable, en revanche, dans le second, et assumant dignement le rôle, plus important que d’ordinaire, que lui confie la mise en scène de Robert Carsen. Sans être idéalement homogène, le trio des Dames, emmené vocalement par Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, ne démérite pas, tandis qu’on s’extasie, une nouvelle fois, devant l’impeccable prestation des Chœurs de l’Opéra National de Paris, préparés par Ching-Lien Wu.
Pour ses débuts dans la fosse de l’Opéra Bastille, Antonello Manacorda laisse d’abord réservé, pour une nervosité un peu sèche, voire la brutalité de l’Ouverture, mais s’accorde ensuite au mieux à son étincelant plateau.
FRANÇOIS LEHEL