Opéras La Reine des Fées à Peralada
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La Reine des Fées à Peralada

09/09/2022
Xavier Sabata. © Miquel Gonzalez

Auditori Parc del Castell, 22 juillet

La 36e édition du Festival « Castell de Peralada » ayant pour thème « Songe d’une nuit d’été », il était assez logique que la seule production scénique « maison » fût The Fairy Queen, « semi-opera » de Purcell, d’après A Midsummer Night’s Dream de Shakespeare.

Bien sûr, donner l’ouvrage dans sa configuration d’origine excèderait de beaucoup les capacités d’un public moderne – encore qu’il y ait eu quelques tentatives, notamment à Aix-en-Provence, en 1989 –, et la musique de Purcell est le plus souvent donnée seule, en concert, ou, si l’on choisit de la porter à la scène, avec un narrateur résumant l’action de la pièce.

On peut, également, choisir d’utiliser la partition et les textes de ces divertissements pour raconter une histoire très différente, en écartant toute référence à Shakespeare. C’est le parti pris – risqué – du metteur en scène andorran Joan Anton Rechi, qui célèbre, à sa façon, le Festival en convoquant, dans un costume permettant au public une identification immédiate, certains héros et héroïnes emblématiques d’opéras donnés in loco.

Avouons qu’il est assez plaisant, alors que l’on cherche à gagner sa place, de croiser, dans les jardins alentour, tous ces personnages errant comme des fantômes. En revanche, voir ensuite se côtoyer, sur le plateau, Cio-Cio-San/Butterfly, Tosca, Turandot, Carmen, Salome, Papageno, Escamillo et Méphistophélès, sans que l’on saisisse très bien pourquoi tel rôle a été attribué à tel soliste ou choriste, est plutôt déconcertant.

L’arrivée du Poète ivre nous fait entrevoir que ces personnages sont, en fait, en quête d’auteur, afin de trouver leur identité, notamment sexuelle, et il faudra l’intervention de pas moins de trois reines d’Angleterre successives pour remettre un peu d’ordre à tout cela !

On le voit, le fil narratif est ténu, et le concept bien connu de « théâtre dans le théâtre » fait long feu, avec, sur le plateau, une agitation perpétuelle assez vite fastidieuse. On ne peut, néanmoins, nier une direction d’acteurs réglée au cordeau et des chorégraphies, imaginées par Mar Gomez, aussi inventives que déjantées, même si l’on regrette que ce savoir-faire serve une succession de saynètes à l’humour potache – en particulier quand une soirée pyjama tourne à la bataille de polochons !

La principale faiblesse de la soirée reste, comme pour Orlando de Haendel, l’an passé (voir O. M. n° 176 p. 54 d’octobre 2021), la sonorisation, très mal réglée. Les voix sont comme écrasées, déformées, et l’orchestre Vespres d’Arnadi semble laminé par la saturation. Sans parler de la localisation impossible sur le plateau, notamment lors de la toute première intervention chantée après l’Ouverture, où l’on se surprend à chercher les chanteurs ! Il s’agit, en fait, d’une soprano et d’un baryton arrivant du dehors, en traversant le public, issus de l’excellent chœur O Vos Omnes, qui auraient d’ailleurs mérité d’être nommés dans le programme de salle.

Autant qu’on puisse en juger, la direction du chef espagnol Dani Espasa est stylée, et la distribution, de grande qualité. Tous deux britanniques, les ténors Mark Milhofer et Thomas Walker font assaut de charme et de drôlerie, la basse française Nicolas Brooymans campant un Poète ivre, à la voix mordante. Des deux sopranos, nous avons préféré à la Néerlandaise Judith van Wanroij, au chant solide mais irrégulier, le timbre lumineux de la Portugaise Ana Quintans, délicieusement à fleur de mots dans « Ye gentle spirits of the air » et bouleversante dans « O let me weep », sans doute le sommet de la soirée.

Quant au contre-ténor espagnol Xavier Sabata, artiste en résidence au Festival, il se taille un beau succès dans sa triple incarnation royale, tour à tour Elizabeth I, Victoria et Elizabeth II. Il se voit attribuer, en plus de son « One charming night », deux airs absents de la pièce, les célèbres « Music for a while » et « Sweeter than roses », qu’il interprète avec aisance et autorité, à défaut d’avoir un anglais parfaitement idiomatique.

Une drôle de soirée qui a, d’ailleurs, déconcerté un public orphelin de Shakespeare, voire suscité, chez certains, de bruyantes manifestations de réprobation.

THIERRY GUYENNE


Xavier Sabata. © Miquel Gonzalez

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