Haus für Mozart, 10 août
On comprend mal le transfert de la production de 2018 (voir O. M. n° 143 p. 62 d’octobre) d’une grande scène (Grosses Festspielhaus) à une petite (Haus für Mozart), où elle se trouve laborieusement compressée, perdant son foisonnement assez désordonné, mais souvent inventif.
Lydia Steier a conservé son concept : celui d’un conte, raconté par un grand-père à ses petits-enfants. Mais elle a éliminé beaucoup de ses audaces initiales, notamment l’étonnant cirque dirigé par Sarastro, qui faisait l’attrait de sa seconde partie.
La première garde son imagerie assez jolie, même si elle ne donne pas beaucoup à penser, autour d’un Tamino réduit à la figuration pimpante d’un soldat de bois, à la veste rouge et aux longues moustaches. La seconde, en revanche, sur le double plateau tournant qui entasse les architectures compliquées, où les personnages paraissent presque toujours trop à l’étroit, est plombée par la grisaille générale qui conserve le moins bon du concept.
On se console avec la distribution, en partie nouvelle. Mauro Peter, Tamino classique d’aujourd’hui, conserve toute la beauté adéquate du timbre et une ligne impeccable, où doit se réfugier toute son expressivité. De même pour Regula Mühlemann : séduction en scène, intelligence du rôle et qualité du legato font le prix de sa Pamina, quasiment idéale. Comme encore la toujours charmante Papagena de Maria Nazarova, à bon droit reconduite.
Deux nouveautés de poids : d’abord, pour cette seule représentation du 10 août, et en alternance avec Brenda Rae, la Reine de la Nuit de Jasmin Delfs, encore simple participante du « Young Singers Project » du Festival, qui voit ainsi, chaque année, la promotion de jeunes chanteurs. La soprano allemande offre une assurance de jeu et une perfection de la vocalise qui semblent lui assurer un bel avenir, même si la voix reste encore d’un volume limité.
Ensuite, le nouveau Papageno de Michael Nagl. Assez mal servi par la production, le baryton autrichien l’emporte par la qualité du timbre et une exemplaire articulation.
En revanche, si l’on se réjouit d’abord qu’un Matthias Goerne hors de propos ait été remplacé par la vraie basse profonde de Tareq Nazmi, excellent Orateur, en 2018, on déchante bientôt de la ligne un peu incertaine de son Sarastro et d’une absence de personnalité, comme encore plus du Monostatos vif en scène, mais vocalement très médiocre, de Peter Tantsits.
Un trio de Dames homogène, qui reste mené par Ilse Eerens, les toujours triomphants Génies des Wiener Sängerknaben compensent en partie, comme le nouvel excellent acteur du Burgtheater de Vienne, Roland Koch, pour le Grand-père, dont le rôle s’effiloche, malheureusement, au fil de l’œuvre.
Capitalisant sur son brillant Cosi fan tutte de 2020, Joana Mallwitz, inlassablement bondissante, emmène à grand train, et avec énergie, les Wiener Philharmoniker, pour un ensemble qui reste, pourtant, globalement décevant.
FRANÇOIS LEHEL