La date limite pour s’inscrire à la compétition est fixée au 15 septembre. Son organisateur, président de Génération Opéra (anciennement CFPL), prépare, en parallèle, une nouvelle coproduction avec les principaux Opéras de France : Company de Stephen Sondheim, en 2025.
Comment la nouvelle dynamique que vous avez insufflée à l’association, qui s’appelait encore le CFPL quand vous avez succédé à Raymond Duffaut comme président, en mai 2021, s’inscrit-elle dans sa mission ?
Un telle évolution est toujours dans l’ordre des choses, mais je n’ai évidemment pas voulu changer l’ADN du CFPL. Nous avons deux missions essentielles. La première est l’insertion professionnelle des jeunes artistes lyriques, que j’essaie d’ouvrir aussi à d’autres métiers. Parce que l’opéra, ce n’est pas que les chanteurs, c’est également le monde de la production, et les chefs de chant, par exemple, que nous allons davantage mettre en valeur. Notre deuxième mission est la mise en synergie des maisons d’opéra, auxquelles on fait souvent le grief d’avoir du mal à travailler ensemble. Non par mauvaise volonté, mais à cause de phénomènes très simples, comme leur format, la présence, ou non, d’un chœur et d’un orchestre, les dimensions du plateau, de la fosse… Cela étant, le CFPL/Génération Opéra a coproduit, depuis une dizaine d’années, des œuvres d’envergure, comme Il viaggio a Reims, Les Caprices de Marianne, L’Ombre de Venceslao et Le Voyage dans la Lune, qui tourne actuellement dans une quinzaine de maisons. Il est très important que notre réseau se mette en mouvement pour monter de beaux spectacles.
Pourquoi le CFPL est-il devenu Génération Opéra ?
Ce changement maturait depuis quelques années. Il nous arrivait déjà, sous le mandat de Raymond Duffaut, de nous dire, en conseil d’administration, que ce sigle était très daté. CFPL, pour Centre Français de Promotion Lyrique, c’était un peu trop institutionnel, et nous voulions quelque chose de plus glamour, dynamique et parlant. Nous avons cherché, une boîte de communication nous a fait quelques propositions, et le nom Génération Opéra – qui donne d’ailleurs l’acronyme GO – s’est imposé quasi naturellement. Il décrit bien ce que nous voulons faire : nous travaillons dans le monde à l’opéra, à donner une visibilité à ces générations d’artistes qui n’attendent que cela !
La crise sanitaire – notamment à travers l’impact qu’elle a eu sur les chanteurs en début de carrière – a-t-elle influé sur cette volonté d’insuffler une nouvelle dynamique, ou en tout cas de l’accélérer ?
Dans le monde de l’opéra, beaucoup de choses couvaient avant la crise sanitaire. Et ce qui se serait passé en dix ou douze ans s’est produit en un an et demi… Il y a de vraies questions à se poser aujourd’hui, notamment sur les problématiques de fréquentation, d’achat au dernier moment, qui concernent d’ailleurs l’ensemble du spectacle vivant. Génération Opéra contribue justement à réfléchir collectivement sur notre avenir. La valeur ajoutée d’une association comme la nôtre est qu’elle regroupe, parmi ses adhérents, la quasi-totalité des directrices et directeurs des Opéras, non pas seulement de France, mais de l’espace francophone, puisque nous avons des Suisses et des Belges – et donc tous les employeurs potentiels.
Parmi les nouveautés de cette année figure la Promotion d’artistes de Génération Opéra. En quoi consiste-t-elle ?
Lorsque j’ai pris la présidence de l’association, j’ai rapidement vu qu’il fallait travailler de manière plus directe et pétrir la matière artistique. Tout de suite, s’est imposée l’idée d’avoir une promotion – cette année, de douze chanteurs. Nous avons cherché des profils, des parcours, des voix très différents. Certains, dont Héloïse Mas, sont déjà dans la carrière, alors qu’un très jeune talent comme Juliette Mey, notre benjamine de 21 ans, une mezzo absolument formidable, est encore en licence au CNSMDP. La sélection se fait, pour moitié, lors de notre audition-concert du mois de novembre, qui aura désormais lieu tous les deux ans, et pour l’autre moitié, par une petite commission artistique, qui choisit ses coups de cœur, entendus dans différents concours ou productions. Chacun des artistes de la Promotion se voit offrir une vidéo professionnelle, enregistrée, cette année, au musée Marmottan Monet, dans la salle des Nymphéas. Ils y interprètent deux airs d’opéra, et une mélodie de compositrice – Lili Boulanger, Cécile Chaminade, Augusta Holmès –, à un niveau qu’on entend rarement. Ces vidéos vont être hébergées sur notre site internet, et nous allons faire beaucoup de communication auprès de nos adhérents, en invitant ces directrices et directeurs de maisons à les regarder et à les écouter. Nous offrons aussi aux membres de la Promotion des master classes, organisées par nos partenaires, comme l’Arcal, le CFA d’Elizabeth Vidal, à Nice… Ils accèdent, enfin, à une grande visibilité grâce à des outils promotionnels, notre but étant toujours de faciliter leur insertion.
Les artistes de la Promotion ont-ils vocation à participer aux futures coproductions initiées par Génération Opéra ?
Pas vraiment. J’ai, en effet, voulu changer le type d’œuvre que nous montons. La prochaine coproduction de Génération Opéra sera une comédie musicale, à laquelle ces artistes ne s’adaptent pas complètement. En revanche, je souhaite que nous devenions, à court et moyen terme, un outil de production, et que nous puissions présenter des petits spectacles, avec les lauréats de la Promotion, dans nos maisons – il y a tant de choses à faire, avec des formats courts, comme des opérettes, ou des opéras moins connus.
Pourquoi ce changement de cap pour les coproductions, et le choix d’une comédie musicale ?
Je souhaitais changer le prisme de Génération Opéra, en abordant un genre qui me semble très important aujourd’hui. La comédie musicale est un moyen qui pourra faire revenir plus facilement le public dans nos salles. L’exemple patent est la réussite du Théâtre du Châtelet, sous le mandat de Jean-Luc Choplin, qui a fait notamment découvrir Stephen Sondheim, le compositeur de Company, que nous monterons, en 2025, en création française. Il s’agit d’un titre formidable, très contemporain, qui parle du vivre-ensemble, de la famille, du couple. Après une première réaction de surprise, tous nos adhérents se sont emparés de ma proposition avec beaucoup d’appétence. D’autant qu’elle permettra à l’association d’élargir son activité à d’autres types de réseaux. Je souhaite, en effet, que l’opéra ne soit plus réservé à nos maisons, où viennent des spectateurs très fidèles, mais qui fonctionnent en vase clos. Je voudrais que nous allions là où se trouvent d’autres publics, notamment dans les scènes nationales, qui sont des salles pluridisciplinaires, et les théâtres de ville, avec des spectacles plus petits, et moins coûteux. Grâce à Company, nous allons essayer de le faire.
Autre nouvelle initiative, Génération Opéra s’associe à plusieurs concours de chant et de direction…
Le CFPL a soutenu des concours en remettant un prix, généralement « Jeune Espoir », pendant des années. Avant d’y renoncer, pour des raisons budgétaires. J’ai voulu recréer ce lien, en nous associant notamment à La Maestra, pour cheffes d’orchestre, mais aussi aux Concours de Marmande, Gordes, Toulouse, « Raymond Duffaut », à Avignon, « Vincenzo Bellini »… et à la première édition des Grandes Voix Lyriques d’Afrique.
Le Concours « Voix Nouvelles » va connaître, en 2023, sa 5e édition, en trente-cinq années d’existence. Pourquoi une telle irrégularité ?
Après l’édition 2002, les coproductions, lancées en 2008, ont, en quelque sorte, remplacé le Concours « Voix Nouvelles ». Puis il a, à nouveau, eu lieu en 2018. Une chose est certaine : il se tiendra désormais tous les quatre ans. Pour les raisons que l’on sait, il a été décalé de 2022 à 2023, et le prochain sera organisé en 2027. Nos partenaires institutionnels sont le ministère de la Culture, le Centre National de la Musique, la Caisse des Dépôts, auxquels nous espérons que s’ajoutera la Fondation Orange, à laquelle nous avons été associés dès la création du Concours.
Quelles nouveautés seront introduites lors de cette édition ?
« Voix Nouvelles » est unique, car c’est le Concours du réseau des Opéras. Il se déroule en quatre tours : sélection et finale régionales, puis demi-finale et finale nationales. Il prend donc ses racines sur le territoire de la métropole, et ses points relais sont les Opéras en région. En 2018, nous avons eu 700 candidats, puis 200 en finale régionale, 40 en demi-finale nationale, pour arriver à 10, et enfin 6 lauréats. Sans doute une jeune voix, qui sort à peine du Conservatoire, a-t-elle très peu de chances d’arriver en demi-finale nationale, mais elle peut se faire connaître sur le plan régional, auprès des professionnels. Cette dimension territoriale est la base du Concours. Nous allons à présent augmenter sa surface, en travaillant avec les « Voix des Outre-Mer », pour aller chercher de la matière – et créer également une forme de diversité, dont le monde de l’opéra a besoin. Autre nouveauté, nous nous ouvrons à l’international, en partenariat avec les Instituts Français de Londres, Berlin, Bucarest. Il est, en effet, évident que des chanteurs francophones – puisque les inscriptions sont ouvertes à des artistes français, belges, suisses et canadiens – étudient dans ces grandes capitales. Par ailleurs, une œuvre de compositrice sera imposée en demi-finale nationale. Et les jurys seront strictement paritaires, soit 150 hommes et 150 femmes, sur l’ensemble des points de sélection.
Avez-vous la volonté de rendre « Voix Nouvelles » incontournable parmi les grands concours internationaux ?
Il s’agit déjà d’un très grand concours. Nous avons à la fois, à la base, l’avantage de la proximité, qui le rend très accessible, et, en haut de la pyramide, des artistes exceptionnels. Il faut perpétuer cette excellence, pour faire émerger les stars de demain.
Le Concours a-t-il participé à l’éclosion de cette nouvelle génération de chanteurs français, désormais recherchés dans le monde entier, dont Natalie Dessay, triomphatrice de la première édition, en 1988, a été la première représentante ?
Ce sont plutôt des facteurs très convergents, notamment la qualité de notre réseau, et des productions données en France, de nos directeurs aussi, qui ont eu envie de mettre en avant nos artistes. Les Conservatoires sont, également, des lieux d’émergence magnifiques. Si « Voix Nouvelles » a pu contribuer à cette excellence, j’en suis très heureux. Il fait partie des éléments qui montrent, aujourd’hui, une qualité française du chant assez extraordinaire. Nous allons continuer dans ce sens, tout en travaillant sur la démocratisation, en étant à la fois en amont et en aval. On ne voit souvent que la finale, mais cette activité souterraine est absolument essentielle.
Propos recueillis par Mehdi Mahdavi
Pour s’inscrire au Concours « Voix Nouvelles », une adresse : www.generationopera.fr/voix-nouvelles/edition-2023