Opéras Yourcenar, héroïne d’opéra à Québec
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Yourcenar, héroïne d’opéra à Québec

30/08/2022
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Palais Montcalm, 30 juillet

« Sublime, forcément sublime », aurait dit l’autre Marguerite (Duras), tant le rouleau compresseur médiatique autour du projet qui unissait le Festival d’opéra de Québec et l’Opéra de Montréal faisait de la création mondiale de Yourcenar – Une île de passions, un événement qui ne pouvait être que touché par la grâce.

Non pas tant parce qu’il s’agissait du premier opéra de l’excellent Éric Champagne (né en 1980), l’un des tout meilleurs de sa génération au Canada, pétri des filiations et cultures française (Henri Dutilleux) et américaine (John Adams), et soucieux d’intelligibilité. Mais pour l’aura des deux librettistes, Hélène Dorion et Marie-Claire Blais, cette dernière décédée en cours de finition du projet, en novembre 2021.

Parler d’artistes à l’opéra est chose, somme toute, assez rare et se fait souvent sous le prisme d’événements particuliers, servant d’exemples édifiants : la guerre des Paysans pour Matthias Grünewald (Mathis der Maler de Hindemith) ou le concile de Trente (Palestrina de Pfitzner). Il y est question autant de ces personnages historiques que du statut de l’artiste à leur époque, que l’on comprend être aussi celle des compositeurs.

Rien de tel ici. En parcourant la vie de Marguerite Yourcenar (1903-1987) en deux phases – son couple avec Grace Frick, à Petite Plaisance, à l’acte I ; ses voyages avec le photographe homosexuel Jerry Wilson, mort du sida en 1986, à l’acte II –, l’ouvrage se dilue sur le plan dramatique et manque du substrat permettant de saisir en quoi ce personnage, plutôt qu’un autre, méritait qu’on lui consacre un opéra.

On comprend que Marguerite Yourcenar a vécu avec une femme (mais face à quelle adversité ?), qu’elle avait une conscience écologique précoce (mais avec quelle action ?), que ce qu’elle a raconté dans ses livres lui est arrivé. Mais, hors l’opposition avec Jerry qui, sous la coupe de son amant Daniel, cherche ici à l’exploiter, la substance qui génère de l’action, mais aussi de la musique, fait défaut.

Très malin, et sans doute pas dupe, Éric Champagne a suggéré aux librettistes, au II, l’insertion d’un tableau où, lors d’une croisière, une soprano – l’excellente Suzanne Taffot – vient chanter un air évoquant les fleurons du vérisme. Fort symptomatiquement, tout le monde semble n’avoir retenu que ces cinq minutes sur les deux heures de l’opéra, ainsi qu’une ironique scène de commentaires, lors de la réception de Marguerite Yourcenar à l’Académie française.

Autre constat d’échec on ne peut plus symbolique, plusieurs segments sont récités en voix « off » et diffusés par haut-parleur, comme si une surabondance de monologues ou de dialogues sans issue avait étouffé définitivement le projet.

En tant que théâtre chanté, le spectacle d’Angela Konrad permet de passer une soirée un peu ennuyeuse, mais réalisée avec sérieux. En tant qu’opéra, on espère qu’Éric Champagne aura, dans son prochain ouvrage, un rôle de force motrice et non de pièce rapportée.

Le plateau, mené avec compétence par le chef assistant de l’Orchestre Symphonique de Montréal, Thomas Le Duc-Moreau, à la tête de l’ensemble Les Violons du Roy, vaut notamment, outre Suzanne Taffot, pour l’excellente soprano Kimy McLaren en Grace. Titulaire du rôle de Jerry, le baryton Hugo Laporte, récent finaliste du Concours Musical International de Montréal (CMIM), est à l’aube de se faire honorablement remarquer en Europe.

Bel abattage du ténor Jean-Michel Richer en Daniel et prestation concentrée de la mezzo Stéphanie Pothier en Marguerite, malgré une légère tendance à couvrir certains sons.

CHRISTOPHE HUSS


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