Opéras Surprenant Barbier à Macerata
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Surprenant Barbier à Macerata

26/08/2022
© Luna Simoncini

Arena Sferisterio, 12 août

Cette production d’Il barbiere di Siviglia avait remporté, en 2020, un concours réservé aux metteurs en scène de moins de 35 ans, dont le regretté Graham Vick (1953-2021) présidait le jury. Pour cause de pandémie, elle aura attendu l’été 2022 pour être enfin représentée.

Daniele Menghini réinterprète complètement le chef-d’œuvre « buffo » de Rossini, en le transposant dans un studio, où l’on tourne trois  programmes pour la télévision : « F*cktotum », avec Figaro pour personnage principal, mettant en présence, dans un salon de coiffure, des couples d’amoureux ; « Calunnia », avec pour pivot Basilio, acharné à séparer les couples formés par Figaro ; et « L’inutil precauzione », sitcom se déroulant dans un décor XVIIIe, avec Rosina pour protagoniste.

Dans ce contexte, Bartolo devient le producteur des trois émissions, et Almaviva, un homme politique influent. Des mimes et des pantins peuplent le plateau, racontant d’autres histoires en parallèle au livret, l’idée centrale de Daniele Menghini étant d’attirer l’attention sur le caractère trompeur et envahissant de l’univers télévisuel, qui plonge désormais au cœur des aspects les plus intimes de notre quotidien.

Se trouve ainsi justifié un dénouement très éloigné du lieto fine de l’opéra : insensible à la déclaration d’amour d’Almaviva (« E tu, infelice vittima »), Rosina prend la fuite. Se dépouillant de son costume XVIIIe, elle se précipite hors de scène, des caméras nous la montrant dans une voiture roulant à toute vitesse loin du théâtre.

Les décors, délibérément kitsch, de Davide Signorini, les costumes, pleins de fantaisie, de Nika Campisi et, surtout, les lumières de Simone De Angelis épousent, au millimètre près, la démarche de Daniele Menghini, apportant une contribution déterminante à la vivacité du spectacle. Pourtant, malgré l’indiscutable réussite « technique », on ne peut s’empêcher de regretter une certaine confusion, ainsi qu’un décalage trop flagrant entre l’intrigue et ce que l’on voit, au risque de nous faire perdre de vue le récit musical.

Dans le programme de salle, le jeune Alessandro Bonato, qui dirige une édition absolument intégrale de la partition (hormis de minuscules coupures dans les récitatifs), annonce vouloir s’attacher aux détails de l’orchestration rossinienne, en mettant en relief des nuances souvent négligées par ses prédécesseurs. Avec des tempi nettement élargis par rapport à ce que l’on entend d’habitude, il réussit à transformer ses paroles en actes dans l’Ouverture, où l’on note effectivement des « ritardati » inusuels, ainsi qu’une dernière partie étourdissante. Mais, dans le périlleux finale de l’acte I, tout l’édifice s’écroule : solistes, orchestre et chœur donnent l’impression de courir chacun de leur côté.

Homogène, la distribution est néanmoins dominée par Alessandro Luongo, Figaro au chant moelleux et bien conduit, au phrasé surveillé et à l’exubérante présence scénique. Les vocalises de ses duos avec Almaviva et Rosina le mettent parfois en difficulté, sans rien retirer à l’impact d’une incarnation plus que concluante.

Le ténor russe Ruzil Gatin s’impose, de plus en plus, comme un spécialiste d’Almaviva. C’est justifié au regard d’une voix à la fois claire et sonore, d’un phrasé varié et d’un sens aigu des nuances. Seul bémol : les traits de virtuosité sont davantage effleurés que projetés avec la limpidité nécessaire.

Serena Malfi offre une Rosina à la couleur sombre et ambrée, dont la technique dans les roulades n’appelle aucun reproche. On regrette, cependant, quelques duretés dans l’aigu et, surtout, une certaine inertie sur le plan dramatique.

Figaro bien connu, Roberto De Candia réussit sa reconversion en Bartolo. Maître absolu du canto sillabato, il sait se montrer comique, sans en rajouter dans les effets. On reconnaît là un digne héritier de son maître, l’incomparable Sesto Bruscantini (1919-2003).

Andrea Concetti n’a pas la profondeur dans le grave requise pour Basilio, mais c’est un fin musicien, qui sait divertir son public. William Corro est un Fiorello fort efficace, et Fiammetta Tofoni se distingue dans l’air de Berta.

Accueil enthousiaste pour les chanteurs, plus mesuré pour l’équipe scénique.

ERMANNO CALZOLAIO


© Luna Simoncini

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