Opéras Leoncavallo rencontre Chaplin à Macerata
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Leoncavallo rencontre Chaplin à Macerata

26/08/2022
© Luna Simoncini

Arena Sferisterio, 5 août

Tirant le fil conducteur des rapports entre opéra et cinéma, le Festival ose une expérience inédite : projeter, en prélude à Pagliacci, The Circus (Le Cirque, 1928), chef-d’œuvre muet de Charlie Chaplin, admirablement restauré par la Cinémathèque de Bologne, dont la bande-son originale a été récemment retrouvée. Il s’agit de cinquante et un morceaux musicaux, composés par Chaplin lui-même et Arthur Kay, parmi lesquels figurent de nombreuses citations d’opéras, dont Pagliacci, précisément.

Le résultat est incontestablement original, même si la mise en relation d’un film et d’un opéra a quelque chose de forcé, du moins dans le cas qui nous occupe. Surtout que Timothy Brock, spécialiste de la musique de cinéma des premières décennies du XXe siècle, démontre, après avoir très bien dirigé la bande-son de The Circus, toutes ses limites dans Pagliacci. L’art lyrique n’est vraiment pas son affaire, et sa lecture sans relief manque cruellement de conviction.

Alessandro Talevi situe l’action du premier succès de Leoncavallo au début du XXe siècle, pile au moment du développement du cinématographe, qui supplante progressivement, dans le cœur du public, les représentations théâtrales sur le vif. Au cours des premières minutes de l’opéra, la troupe de Canio arrive ainsi pendant la projection d’un film muet en plein air, en essayant d’attirer l’attention des spectateurs, davantage intéressés par les images défilant sur l’écran que par la pièce qu’on leur promet.

Ils sont pourtant nombreux à assister, ensuite, au commencement de la représentation mais, petit à petit, désertent leurs sièges… pour revenir en masse au moment du crime ! À cette mise en scène aussi intelligente qu’effficace, on reprochera simplement son coup de théâtre final. Nous n’avons pas bien compris pourquoi Tonio tue Canio d’un coup de pistolet, avant de se suicider.

Fabio Sartori, qui vit son personnage jusqu’au plus profond de son être, domine la distribution. En gagnant en épaisseur, la voix du ténor italien n’a rien perdu de sa morbidezza, ni de son aisance dans l’aigu (le redoutable si naturel, à la fin de « A ventitré ore ! », compris). L’interprète se montre toujours aussi soucieux de nuances, phrasant « Vesti la giubba » à fleur de lèvres, puis affrontant les écueils de « No, Pagliaccio non son », avec une bravoure qui lui vaut une ovation de la part du public.

Malgré un instrument un peu trop large et dramatique pour soutenir le chant tout en légèreté de « Stridono lassù », puis les élans sensuels du duo avec Silvio (impeccable Tommaso Barea), Rebeka Lokar offre une Nedda convaincante. Sans reproche, le Tonio de Fabian Veloz, notamment dans un « Si puo ? » aussi intense que nuancé, et le Beppe de David Astorga.

ERMANNO CALZOLAIO


© Luna Simoncini

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