Arena Sferisterio, 22 juillet
Paolo Pinamonti, nouveau directeur artistique du « Macerata Opera Festival », a choisi de placer cette 58e édition sous le signe des rapports entre l’opéra et le cinéma, récupérant au passage certains projets décidés avant sa nomination et repoussés pour cause de pandémie. Ainsi de cette nouvelle production de Tosca, qui aurait dû voir le jour à l’été 2020.
Valentina Carrasco situe l’intrigue dans un studio hollywoodien, au cours des années 1950. La compagnie « Scarpia Productions » y tourne un film sur la bataille de Marengo – à laquelle le livret de Tosca fait allusion, à l’acte II –, qui vit la victoire de Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, sur l’armée autrichienne, le 14 juin 1800. Réalité et fiction s’entremêlent dans une mise en scène qui exploite à fond le principe du « théâtre dans le théâtre », avec force citations, comme l’apparition de Batman, au début de l’opéra.
Le portrait de Scarpia, le producteur du film, est ostensiblement inspiré par la figure d’Harvey Weinstein. On découvre le « Baron » en train de regarder un strip-tease à la télévision, en attendant une jeune actrice en quête de reconnaissance, dont la visite est brutalement interrompue par l’arrivée de l’épouse et du fils du prédateur, obligeant ce dernier à expédier rapidement sa future victime.
Les années 1950, aux États-Unis, sont aussi celles du maccarthysme, ce que Valentina Carrasco ne manque pas de rappeler, en projetant, sur un écran géant, les photos de célèbres acteurs mis au ban d’Hollywood pour leurs sympathies communistes, avérées ou supposées. Ces images distraient malheureusement l’attention du spectateur, sans rien apporter de déterminant à notre perception de Tosca, tout comme les gigantesques gros plans des chanteurs, pendant la scène de torture ou « Vissi d’arte ».
L’exécution de Cavaradossi est un vrai meurtre, commis sous le regard étonné des protagonistes du film, parfaitement conscients de ce qui s’est passé. Ce choix de Valentina Carrasco prive le climax de l’ouvrage de son principal effet dramatique : la découverte par Tosca de l’horrible supercherie de Scarpia. Bref, la metteuse en scène argentine fait exactement ce qu’il ne faut jamais faire à l’opéra, à savoir embrouiller le spectateur, en l’obligeant à suivre une lecture certes ingénieuse, mais jamais mise au service de la narration musicale.
Donato Renzetti était déjà au pupitre, à Macerata, en 1995, lors de la représentation de Tosca pendant laquelle le ténor Fabio Armiliato avait été blessé par un fusil mal chargé. Vingt-sept ans plus tard, son expérience lui permet de garantir la cohésion de la phalange mise à sa disposition (FORM-Orchestra Filarmonica Marchigiana), au fil d’une vision mettant davantage l’accent sur les détails instrumentaux que sur l’insupportable tension des paroxysmes dramatiques. De la bonne routine, sans plus.
En Tosca, Carmen Giannattasio impose une voix ample et intense, qui a gagné en épaisseur dans le médium. Par-delà quelques tensions dans l’aigu, on regrette, surtout, un manque de volupté dans le timbre et le phrasé, qui retire une part de leur charge émotionnelle à des moments comme « Ed io veniva a lui… » ou « Vissi d’arte ».
Pour ses débuts en Cavaradossi, Antonio Poli déploie un instrument chaleureux et un beau tempérament, sans dissiper la sensation que son pur tenore lirico souffre dans les passages les plus spinti de la tessiture, « Vittoria ! » en tête. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si « E lucevan le stelle » le révèle à son meilleur.
Claudio Sgura connaît tous les secrets du rôle de Scarpia. Dominant sans effort l’ouragan orchestral et choral du « Te Deum », il se montre insinuant et séducteur à l’acte II. Les comprimari sont adéquats, avec une mention pour l’Angelotti d’Alessandro Abis, vraie voix de basse, à l’émission soignée.
Accueil dépourvu d’enthousiasme du public, pour une production qui ne restera pas dans les annales du Festival.
ERMANNO CALZOLAIO