Munich, 22 juillet, peu avant 20 h, au Bayerische Staatsoper. Le premier acte de Die schweigsame Frau (La Femme silencieuse) de Richard Strauss et Stefan Zweig approche de sa fin, avec son magnifique ensemble d’une complexité rare à diriger – ce que fait, avec une précision diabolique et un entrain irrésistible, le chef autrichien d’origine hongroise Stefan Soltész.
Soudain, dans un grand bruit de chute provenant de la fosse, tout s’arrête : les chanteurs sur scène, tétanisés, regardent le centre de la fosse, l’orchestre se tait en un instant ! Quelques spectateurs se lèvent au premier rang. On comprend vite, à l’agitation et aux cris, que le chef s’est effondré. Annonce au baisser du rideau, évacuation du public, arrivée des secours et des pompiers. Une demi-heure plus tard, on rappelle le public dans la salle pour informer du transport du chef à l’hôpital, de l’impossibilité de continuer la représentation, et du remboursement des places. Le public, lui, répond par une salve d’applaudissements pour le chef absent, et se disperse.
Hélas, victime d’un accident cardiaque fulgurant, Stefan Soltész, 73 ans, jeune et brillant assistant de Karl Böhm, Herbert von Karajan, Christoph von Dohnány à Salzbourg, avant d’occuper les fonctions de chef permanent aux Staatsoper de Hambourg et au Deutsche Oper de Berlin, de Generalmusikdirektor à Braunschweig, puis à Essen, et de chef principal à l’Opéra Flamand, invité partout – en France, au Palais Garnier, pour Pelléas et Mélisande de Debussy, et aux Festivals de Montpellier et d’Aix-en-Provence –, décède à son arrivée aux urgences. L’information tombe par un communiqué officiel du Staatsoper peu avant minuit.
C’est un destin rare et extraordinaire pour un chef d’orchestre que de mourir en dirigeant, mais c’est aussi une perte bien précoce pour sa famille, comme pour le monde musical.
PIERRE FLINOIS