Opéras Reprise attendue des Huguenots à Bruxelles
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Reprise attendue des Huguenots à Bruxelles

08/07/2022

La Monnaie, 26 juin

Nous étions impatient de revoir cette mise en scène des Huguenots (Paris, 1836), que nous avions beaucoup aimée lors de sa création à la Monnaie de Bruxelles, en juin 2011, puis, l’année suivante, à l’Opéra National du Rhin, son coproducteur (voir O. M. n° 65 p. 60 de septembre 2011 & n° 73 p. 64 de mai 2012). Reprise aujourd’hui par Daniel Izzo, elle n’a absolument pas vieilli.

Les quelques réserves formulées à l’époque demeurent, sans nuire à l’impact d’un spectacle qui, en plus d’être l’un des plus réussis de toute la carrière d’Olivier Py et Pierre-André Weitz à l’opéra, fait paraître dérisoires les tentatives ultérieures de l’Opéra National de Paris (Andreas Kriegenburg, 2018) et du Grand Théâtre de Genève (Jossi Wieler et Sergio Morabito, 2020).

Marc Minkowski, hélas, n’est pas revenu. Dirigeant un orchestre pourtant bien meilleur que celui entendu en 2011 (merci Alain Altinoglu, directeur musical de la Monnaie depuis 2016 !), Evelino Pido ne parvient pas à bâtir l’architecture d’ensemble nécessaire à une fresque d’aussi vastes proportions (cinq heures et quart de représentation, deux entractes compris). Certains moments très réussis alternent avec de longs passages à vide, nuisant à l’unité si bien réalisée par la mise en scène.

Les chœurs accusent quelques décalages mais la distribution, entièrement renouvelée, est globalement de haut niveau. On en détachera, d’abord, une équipe de seconds rôles masculins exceptionnelle, peut-être la meilleure que nous ayons jamais entendue. Les trois ténors (Pierre Derhet, Maxime Melnik, Valentin Thill) rivalisent de qualité vocale, comme de présence scénique, avec les quatre barytons et basses (Jean-Luc Ballestra, Patrick Bolleire, Luca Dall’Amico, Yoann Dubruque), et c’est justice de les citer, surtout au regard de leur importance dans les trois premiers actes.

Du septuor principal, Ambroisine Bré est la moins convaincante. Physiquement épatante sous son costume de groom, elle n’est ni suffisamment soprano (la vraie tessiture d’Urbain), pour être à l’aise dans sa « Cavatine » et le finale du I, ni suffisamment mezzo, pour rendre justice à son « Rondeau » du II. Combien de fois faudra-t-il répéter que l’introduction de ce morceau de bravoure, ajouté par Meyerbeer, en 1848, pour la légendaire Marietta Alboni, se justifie à la seule condition de disposer d’un grand mezzo-contralto colorature ?

Nicolas Cavallier, idéalement distribué dans la basse chantante de Saint-Bris, s’impose par sa noblesse et sa qualité de diction, deux atouts qu’il partage avec Vittorio Prato, Nevers d’un puissant relief. Moins impeccable que celui de ses partenaires, le français d’Alexander Vinogradov ne l’empêche pas de camper un Marcel aussi impressionnant qu’émouvant, qui fait rapidement oublier un extrême grave manquant de consistance (la redoutable descente au mi naturel, à la fin du « Choral » du I, ne produit pas l’effet recherché par Meyerbeer).

Virtuose de haute école, Lenneke Ruiten, par ailleurs excellente comédienne, ne trouve pas son meilleur emploi en Marguerite de Valois. Remarquable tragédienne d’« opera seria » (Alcina, Aspasia dans Mitridate, Giunia dans Lucio Silla), la soprano néerlandaise accuse, dans ce rôle plus décoratif que dramatique, un déficit de charme dans le timbre et des duretés dans le suraigu.

Enea Scala est décidément un « cas ». A priori, le ténor italien a tous les atouts pour camper un Raoul de rêve : beau physique, émission arrogante, aigu et suraigu faciles, diction nette et expressive. Sans reproche dans les récitatifs, qu’il anime avec autant d’intensité que de variété dans le phrasé, il devient inexplicablement monochrome dans les enivrantes mélodies de ses airs et duos.

Sa palette de nuances se réduit soudain, cantonnée entre le mezzo forte et le fortissimo, en particulier dans la partie supérieure du registre, soumise à une pression excessive. Le résultat est incontestablement excitant, mais la candeur chevaleresque et la tendresse du personnage passent à la trappe, faisant regretter les sublimes raffinements de John Osborn dans cette même production, en 2011, puis dans celle de Genève.

Karine Deshayes, enfin, domine les débats. En l’écoutant en Urbain, à Strasbourg, il y a dix ans, on l’imaginait déjà en Valentine ! Le rôle arrive au bon moment dans sa carrière, alors que la voix a atteint sa pleine maturité. La richesse du timbre, la rondeur d’un bas médium et d’un grave jamais appuyés, la pertinence des accents, tour à tour caressants et véhéments, enchantent de bout en bout, sans parler de contre-ut projetés avec une aisance et une puissance sidérantes.

La mezzo (soprano ?) française retrouvera Valentine à l’Opéra de Marseille, en juin 2023, avec le même Raoul. On ira la réentendre, peu de cantatrices ayant aussi bien restitué la passion, la soif d’absolu et la noblesse d’âme de cette héroïne, l’une des plus attachantes du répertoire français.

RICHARD MARTET


© BAUS

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