1 CD La Musica LMU 029
À mille lieues de tout marketing enjôleur, comme celui accompagnant la sortie du premier récital de Samuel Mariño chez Decca (voir plus loin), le programme gravé en studio, en novembre 2021, par Carlo Vistoli et l’ensemble Le Stagioni, dirigé par le claveciniste Paolo Zanzu, se montre admirable d’expressivité et d’imagination.
Le contre-ténor italien déploie d’emblée, sur la fameuse cantate de Haendel, La Lucrezia HWV 145, un art du chant magistral. Depuis l’enregistrement de Gérard Lesne (Virgin Classics/Erato, 1991), nous n’avions pas entendu, de la part d’un falsettiste du moins, pareil engagement, pareille éloquence. Il faut écouter avec quel brio l’interprète parvient à varier les climats, à traduire les affects, à infiltrer le texte. Avec Carlo Vistoli, imagination, maîtrise et sensibilité sont au pouvoir.
Épidermique sur les récitatifs, grisant sur chaque air, il joue, pendant les dix-huit minutes de la cantate, d’un timbre tour à tour pénétrant et sensuel (« Già superbo del mio affanno », « Alla salma infedel », « Già nel seno comincia »), intrépide et virtuose (« Il suol che preme », « Questi la disperata anima mia », « Ma se qui non m’è dato »). Le tout accompagné par trois musiciens remarquablement ductiles (clavecin, violoncelle et théorbe).
Avec La Lucrezia, le reste de l’album constitue un très beau florilège de cantates italiennes. Si les deux premières mondiales haendéliennes (Ninfe e pastori HWV 139b et Deh, lasciate e vita e volo HWV 103), captent l’oreille par leurs caractères distincts, Oh, se fosse il mio core S. 74 de Porpora et Pianti, sospiri, e dimandar mercede RV 676 de Vivaldi distillent un charme lumineux, pour ne pas dire solaire.
Un disque superbe, qui confirme l’excellente impression laissée par les albums Amor tiranno et Arias for Nicolino, parus chez Arcana (voir O. M. n° 164 p. 75 de septembre 2020 & n° 167 p. 66 de décembre 2020).
CYRIL MAZIN