Opéra Bastille, 3 juin
Pour la reprise de ce Parsifal, mis en scène par Richard Jones, à l’Opéra Bastille, en mai 2018 (voir O. M. n° 140 p.61 de juin), on revoit sans trop de plaisir son décor fonctionnel, mais plastiquement peu gratifiant, le concept d’ensemble restant également discutable.
Pourtant, après un acte I trop statique, les choses se redressent, avec maintes inventions heureuses, et une seconde partie du II placée sur simple fond noir, où la prestation des protagonistes, cette fois très efficacement dirigés, reprend l’avantage.
C’est aussi que le nouveau plateau fait largement notre bonheur. Remplaçant à la dernière minute Brian Mulligan, souffrant en ce 3 juin, Markus Marquardt, venu du Semperoper de Dresde, avec une parfaite maîtrise du rôle d’Amfortas, ne fait sans doute pas oublier Peter Mattei, il y a quatre ans, mais l’acteur s’engage remarquablement dans cette longue Passion, avec nombre de moments émouvants. En Gurnemanz, Kwangchul Youn convainc, une fois de plus, par la richesse de ses graves colorés, comme par l’expression, constamment soutenue et modulée.
Pour son entrée tardive sur la scène de l’Opéra National de Paris, Simon O’Neill est mal servi par la production, où son physique s’accommode mal de roulades au sol et d’un trottinement à travers le plateau, à la limite du ridicule. Mais la performance vocale est confondante, avec une émission haut placée, la belle couleur d’un timbre très clair – mais sans nasalité –, dans un registre parfaitement homogène, l’aisance déconcertante de l’aigu, radieux et toujours percutant, l’articulation exemplaire, des forces inépuisables, et un investissement de tous les instants.
Marina Prudenskaya, dont la haute silhouette est bien mal servie, elle aussi, par le costume et les déplacements du I, triomphe au II par la pure séduction de la voix longue, richement cuivrée, aux graves naturels profonds, et la gestion impeccable des moyens pour la fin inhumaine du duo, où l’on a vu souvent les plus grandes trébucher, actrice souveraine enfin, d’une grande beauté en scène.
Falk Struckmann fait faire une annonce, mais les scories annoncées sont minimes, pour son Klingsor agressif et mordant à souhait, accordé au mieux à sa personnalité. À côté de Reinhard Hagen, aussi solide Titurel qu’en 2018, il faut encore faire le plus vif éloge des seconds rôles, tout aussi brillants, en particulier le Deuxième Chevalier (Zweiter Gralsritter) du tout jeune William Thomas, basse majestueuse promise sans doute au plus bel avenir.
Simone Young ne nous persuade d’abord pas totalement dans un premier acte très sage, et peut-être trop lisse, mais c’est pour se révéler, elle aussi, supérieure d’intelligence et de sensibilité dans les deux suivants, avec des Chœurs et un Orchestre de l’Opéra National de Paris à leur zénith.
Un Parsifal musicalement de très haut niveau, auquel une salle trop peu garnie fait un accueil triomphal.
FRANÇOIS LEHEL