Opéras Triomphal Barbier à Toulouse
Opéras

Triomphal Barbier à Toulouse

02/06/2022

Théâtre du Capitole, 20 & 21 mai

Triomphe au Théâtre du Capitole, avec ces huit représentations à guichets fermés. L’amusante mise en scène de Josef Ernst Köpplinger, coproduite avec le Staatstheater am Gärtnerplatz de Munich (où elle a vu le jour, en juillet 2021) et le Liceu de Barcelone, file tambour battant, aidée par un dispositif tournant, présentant soit la façade (côté cour, l’entrée de la maison de Bartolo, côté jardin, la porte d’un lupanar), soit l’intérieur d’un immeuble. Un procédé qui rappelle beaucoup le spectacle de Damiano Michieletto, au répertoire de l’Opéra National de Paris depuis 2014.

L’action, située dans l’Espagne franquiste des années 1960, fait intervenir une foule de figurants (prostituées, ouvriers, curés en goguette…) pour une succession ininterrompue de gags bien réglés, mais dont l’accumulation finit par paraître fastidieuse. Damiano Michieletto parvenait à faire souffler un vent de folie, en donnant au décor une vie propre ; ici, le trait est souvent appuyé, et certains choix sont assez arbitraires, comme cet ancrage dans le milieu de la prostitution (Figaro évoque un caïd, Berta s’affiche comme proxénète).

La direction d’Attilio Cremonesi imprime une grande élégance à la soirée. L’Ouverture, énergique mais jamais tonitruante, est particulièrement réussie, et l’on apprécie le soin apporté à des soli instrumentaux joliment détaillés, ainsi que l’attention portée aux voix. Notre seule réserve concerne des crescendi parfois trop retenus.

Des deux distributions en alternance, la première est nettement dominée par le Figaro de Florian Sempey, qui fait de formidables débuts au Capitole dans son rôle fétiche. D’une santé vocale insolente, il cabotine avec subtilité. La palette de couleurs et de dynamiques est plus riche que jamais, et le souffle inépuisable. Seuls bémols : quelques notes tenues plus que de raison et certains aigus conclusifs peu philologiques, tendance d’ailleurs partagée par tout le plateau.

À ses côtés, Eva Zaïcik fait ses premiers pas en Rosina : la voix est toujours aussi magnifique, et les variations sont inventives, mais la vocalise pourra gagner en netteté et en liberté. Surtout, l’incarnation paraît encore assez scolaire, peu aidée, il est vrai, par une mise en scène qui ne construit guère de personnages.

Kevin Amiel se tire honorablement, mais sans brio, d’un rôle dont la virtuosité ne lui est pas naturelle. Surtout, le style pèche, avec des aigus balancés en force et des cadences scabreuses, pour un Almaviva plus petit voyou que grand seigneur.

Paolo Bordogna est un Bartolo de la meilleure tradition, au canto sillabato triomphant, mais d’une caractérisation moins drôle qu’on ne l’attendrait. Roberto Scandiuzzi, en revanche, offre un Basilio plein de panache et de truculence ; son timbre de bronze et le creux dans le grave font de « La calunnia » un grand moment, en dépit de quelques imprécisions.

L’autre équipe est plus faible. Vincenzo Taormina propose un Figaro scéniquement fringant, mais avec une vocalisation déficiente. La Rosina d’Adèle Charvet inquiète par ses premiers sons, mal focalisés, avec un médium instable et un aigu difficile. Mais elle s’améliore au fil de la soirée, le jeu demeurant d’une grande vivacité.

Yuri Kissin fait un peu trop jeune pour Bartolo, mais après un air assez terne, à la volubilité contrainte, il gagne en assurance et en drôlerie, au contraire de Julien Véronèse qui, en dehors de sa stature, a peu d’atouts pour Basilio. Le chant n’est pas propre, et l’incarnation demeure trop générique.

Du coup, Petr Nekoranec fait figure de grand triomphateur de cette deuxième distribution. L’Almaviva du jeune ténor tchèque, aussi sympathique qu’aristocratique, de physique comme de chant, est un pur régal : virtuosité à toute épreuve, phrasé soigné, subtilité du mélange des registres, variations aussi surprenantes que jubilatoires. Dommage que Florian Sempey n’ait pas été son Figaro et qu’on lui ait coupé le « Cessa di più resistere » final !

Le plateau est complété par un Fiorello et une Berta de grand luxe. Edwin Fardini impressionne par sa projection et sa classe, et Andreea Soare fait un tabac dans « Il vecchiotto cerca moglie », avec son timbre corsé et ses cadences insensées. Chaque soir, sa Berta explosive – malgré une montée au contre-ut un peu difficile, à la fin du I – recueille un triomphe aux saluts.

THIERRY GUYENNE


© MIRCO MAGLIOCCA

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