Opéras Un fleuron de l’opéra hongrois à Budapest
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Un fleuron de l’opéra hongrois à Budapest

25/03/2022

Opéra d’État, 13 mars

Pour sa première production après la réouverture de l’Opéra d’État (voir O. M. n° 181 p. 10 d’avril 2022), l’Opéra National Hongrois a choisi Hunyadi Laszlo de Ferenc Erkel (1810-1893), œuvre fondatrice pour le répertoire lyrique du pays.

Racontant un épisode marquant de l’histoire de la Hongrie – le conflit entre le roi Laszlo V et Laszlo Hunyadi, au XVe siècle –, l’ouvrage prend une résonance particulière, alors que l’Opéra d’État rouvre ses portes. Mais son metteur en scène (et directeur des lieux) Szilveszter Okovacs ne propose pas la version habituelle de la partition, révisée par Miklos Radnai, en 1935.

Avec le chef Balazs Kocsar, directeur musical de la maison, Szilveszter Okovacs revient aux intentions d’Erkel, réintroduisant les pages coupées et remettant à leur emplacement original les airs déplacés (en opérant une légère adaptation et modernisation du livret par endroits). L’œuvre s’en trouve rallongée, mais elle se réapproprie la structure narrative et musicale pensée par le compositeur : une vraie redécouverte pour les spectateurs.

Avec sa machinerie totalement rénovée, l’Opéra d’État met en valeur ses possibilités techniques : le décor monumental du château, aux actes I et III, au plafond en partie effondré, est construit sur différents niveaux et profite des plates-formes mobiles du plateau ; le II mobilise de manière très pertinente la tournette, assurant la transition entre les tableaux d’ensemble et les scènes plus intimistes. Le tout est réaliste, le plus fidèle possible à l’époque de l’action, de même que les costumes.

Ceux-ci constituent la partie la plus spectaculaire de la production : une reconstitution historique de grande envergure, poussée à son paroxysme dans les habits portés par Laszlo V, Ulrik Cillei, Miklos Gara et leurs gardes, tout en couleurs vives et en fourrures – Krisztina Lisztopad voulant sans doute souligner qu’ils appartiennent à l’ancien temps, tandis que la famille Hunyadi est vêtue dans un style plus sombre et plus sobre.

On n’a plus vraiment l’habitude d’un tel déploiement de faste – il y a même un cheval sur le plateau ! Mais cela participe du genre et n’empêche pas des propositions dramaturgiques intéressantes, notamment lors de l’exécution de Laszlo Hunyadi. Dans le livret, le bourreau doit s’y reprendre à quatre fois, avant de parvenir à trancher la tête du condamné ; le metteur en scène imagine ici que Rozgonyi, un ami du héros, a pris la place du bourreau, armé d’une fausse épée pour tenter d’éviter l’exécution. C’est une fois la supercherie découverte, que le coup fatal est porté par Miklos Gara.

Malgré tout, l’œuvre se clôt – et la partition le justifie totalement – sur une note d’espoir avec, apparaissant à l’arrière-plan, le jeune Matyas Hunyadi couronné, annonçant un avenir plus prospère. En dépit de quelques soucis techniques, cette fin se révèle efficace et confirme la dimension résolument spectaculaire de la mise en scène de Szilveszter Okovacs.

Parmi les solistes, on retiendra, avant tout, l’autorité de Klara Kolonits en Erzsebet Szilagyi, rôle ô combien exigeant, dont la soprano possède assurément l’étoffe, tant vocale que dramatique. Le ténor Szabolcs Brickner offre un Laszlo Hunyadi à la voix lumineuse et d’une réelle sensibilité ; et si Erika Miklosa, également soprano, montre d’abord des fragilités en Maria Gara, la suite de l’ouvrage lui permet de faire entendre des aigus bien projetés et sûrs.

Les barytons-basses Andras Palerdi et Gabor Bretz sont des interprètes solides et convaincants, aux côtés du Laszlo V volontairement falot, dessiné par le ténor Daniel Pataky. On mentionnera, enfin, la belle performance de la mezzo-soprano Gabriella Balga, chantant la partie de Matyas Hunyadi, tandis qu’un enfant joue le rôle sur scène.

Toutes les forces de l’Opéra National Hongrois sont réunies. Les dimensions de l’ouvrage rendent assez inévitable le statisme des chœurs, qu’ils compensent par une grande vivacité vocale ; les danseurs, quant à eux, ravissent le public, en particulier les élèves de l’école de ballet.

Enfin, l’orchestre dirigé par Balazs Kocsar offre une Ouverture franche et de magnifiques moments à l’acte II, qui font regretter que les musiciens ne s’affirment pas davantage tout au long de l’œuvre. Car ils possèdent une forte identité sonore, très caractéristique et idéale pour ce répertoire.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN


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