1 CD Deutsche Grammophon 486 0942
Violetta, Lucia et Juliette : quelle soprano n’a pas rêvé d’en revêtir les atours et d’y apporter sa touche personnelle ? Depuis que le disque existe, les plus grandes ont su, chacune à leur manière, insuffler une vie nouvelle à ces héroïnes, en ajoutant quelques couleurs de leur cru.
Dans ce récital, gravé en studio, en octobre 2020, Nadine Sierra semble décidée à n’imiter personne. Elle se contente, avec raison, d’être elle-même, avec sa juvénilité, son impeccable technique et son incontestable séduction. La soprano américaine mène, depuis plusieurs années, une brillante carrière dans les théâtres les plus réputés. Son premier album pour Deutsche Grammophon, There’s a Place for Us, paru en 2018, ne lui rendait pas justice. Celui-ci, qui révèle les gros progrès accomplis depuis, ne pourra que satisfaire ses nombreux admirateurs.
Pour La traviata, comme pour Lucia di Lammermoor et Roméo et Juliette, deux scènes ou airs ont été retenus. La virtuosité seule, on le sait, ne suffit pas ici. Il faut aussi une sensibilité, une émotion, une variété d’accents, un vertige, sans rien de mécanique, ni de trop apprêté. Tout cela, Nadine Sierra l’exprime dans un chant parfaitement limpide, où aigus et suraigus n’apparaissent jamais comme de simples démonstrations de bravoure. C’est plutôt le naturel qui règne ici, avec autant d’aisance que de luminosité.
Doit-on y voir la marque de l’excellent travail effectué en studio ? À aucun moment, ne se devinent l’effort ou le simple souci de briller. Que ce soit dans l’exaltation amoureuse, aux rives de la démence ou à l’approche de la mort, la vérité intime reste toujours présente. Tout juste pourra-t-on regretter quelques embellissements superflus dans la scène de folie de Lucia di Lammermoor, mais c’est fait avec tant d’élégance !
Paolo Fanale (pour les interventions d’Alfredo, dans le finale du premier acte de La traviata), Veta Pilipenko (pour celles d’Alisa, dans la scène de la fontaine de Lucia) et le chœur Capella Cracoviensis (pour la scène de folie) concourent à la grande réussite de cet enregistrement, dirigé par Riccardo Frizza avec une exigence musicale répondant aux qualités d’une soprano incontestablement « faite pour l’opéra », comme l’annonce le titre de l’album.
PIERRE CADARS