Opéras Double drame au couvent à Liège
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Double drame au couvent à Liège

07/02/2022

Opéra Royal de Wallonie, 29 janvier

Le couvent est l’un des décors privilégiés de l’opéra. Qu’il soit le théâtre d’amours secrètes (Les Fiançailles au couvent, Les Mousquetaires au couvent), de drame historique (Dialogues des Carmélites) ou d’expiation, comme c’est le cas dans les deux œuvres présentées à Liège, ce lieu clos et toute sa symbolique semblent exacerber les passions.

Mese mariano (Le Mois de Marie) d’Umberto Giordano (Palerme, 1910) et Suor Angelica de Giacomo Puccini (New York, 1918) nous parlent de femmes déchues, mises au ban de la société, parce qu’elles ont enfanté hors mariage. La première, Carmela, a dû abandonner son fils aux bonnes œuvres des religieuses pour se racheter une respectabilité, en épousant un homme ne souhaitant pas élever l’enfant d’un autre. La seconde, Angelica, a été contrainte par sa famille de prendre le voile pour expier sa faute, après avoir donné naissance à son bébé, qui lui a été retiré. Deux drames de la maternité et de la solitude.

Par leur thématique et la proximité de leur date de création , il semble logique d’associer ces deux titres courts (quarante minutes pour Mese mariano, une heure pour Suor Angelica) et de leur attribuer une distribution commune, puisque, à chaque fois, les rôles principaux sont tenus par une soprano et une mezzo. Pour autant, est-il vraiment judicieux de mettre en regard l’écriture des deux compositeurs, dont le talent n’atteint pas les mêmes cimes ?

Non que Suor Angelica soit un chef-d’œuvre. Même si c’était le volet préféré de Puccini dans Il trittico, cet acte unique a toujours eu du mal à trouver son public, et ce que l’on en connaît se résume souvent à l’air « Senza mamma », enregistré par d’innombrables sopranos. Également cher à Giordano, Mese mariano souffre d’une orchestration un peu pataude, dépourvue de la brillance et de la richesse de timbres présentes dans Suor Angelica, au point que les instruments ont souvent tendance à couvrir les voix.

La soprano italienne Serena Farnocchia est parfaite en Carmela et Angelica. Elle incarne ces femmes brisées avec beaucoup de pudeur, leur donnant noblesse et intensité. Son timbre irisé et son émission souple prouvent qu’une voix plutôt mozartienne sied au répertoire vériste, auquel elle confère un supplément de subtilité.

En face, Violeta Urmana passe sans difficulté de la bienveillance à la cruauté, incarnant successivement la Mère supérieure, incapable d’annoncer la mort de son enfant à Carmela, et la Princesse, tante d’Angelica, venue lui soutirer la renonciation à son héritage, tout en lui apprenant le décès de son fils. Toujours impériale, la cantatrice lituanienne impressionne par une opulence vocale que les années semblent avoir à peine altérée.

Le reste de la distribution est également de grande qualité, avec une mention spéciale pour la jeune mezzo belge Aurore Bureau. Classique, la mise en scène de l’Italienne Lara Sansone joue habilement d’un décor presque commun aux deux ouvrages. On découvre d’abord la partie « ouverte » du couvent, avec sa vue sur Naples, avant d’être enfermé dans le cloître, où règne la contrainte.

En fosse, Oksana Lyniv déploie des trésors de finesse. Si la partition de Giordano regorge de pièges, pouvant conduire à produire un tissu trop compact, elle sait les contourner à force de retenue. Plus à l’aise encore dans Puccini, la cheffe ukrainienne, nouvelle directrice musicale du Teatro Comunale de Bologne (elle a pris officiellement ses fonctions, le 1er janvier 2022), révèle les moindres couleurs, les moindres intentions, sans perdre de vue la tension dramatique, jusqu’au climax du tableau final.

KATIA CHOQUER


© JONATHAN BERGER/OPÉRA ROYAL DE WALLONIE-LIÈGE

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