Opéras Nouveau Rigoletto à New York
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Nouveau Rigoletto à New York

14/01/2022

Metropolitan Opera, 4 janvier

Créée au Staatsoper de Berlin, son coproducteur, en 2019, la nouvelle mise en scène de Rigoletto au Met porte la griffe de Bartlett Sher qui, après un tonifiant Barbiere di Siviglia, en 2006, a enchaîné les ratages dans la maison. Dommage pour celui qui demeure l’un des réalisateurs les plus doués de Broadway !

Comme il en a l’habitude, Bartlett Sher a fait une large publicité, dans la presse non spécialisée, à son concept : la transposition de l’intrigue sous la république de Weimar. Sauf que, à l’instar de beaucoup d’Américains biberonnés à Cabaret, le film de Bob Fosse (1972), il semble confondre cette période de l’histoire allemande avec celle qui la suit, à savoir l’avènement du nazisme. D’où la présence d’un Duc dictateur, exerçant un pouvoir de vie et de mort sur ses sujets.

On repère certes quelques références visuelles au peintre George Grosz, apôtre de la « Nouvelle Objectivité », très actif dans l’Allemagne des années 1920. On identifie l’influence du cinéma expressionniste dans le traitement de la scène de l’orage et du meurtre de Gilda, malgré l’invraisemblable maladresse et confusion de la réalisation. Mais cela ne suffit pas à donner de la cohérence à une mise en scène sans queue ni tête.

Le décor de Michael Yeargan est imposant, mais ne marque pas les mémoires (contrairement aux beaux costumes de Catherine Zuber). Tournant constamment sur lui-même, sans que l’on comprenne toujours pourquoi, il n’a, en fait, qu’un seul avantage – comme d’ailleurs l’ensemble du spectacle : celui de moins trahir l’ouvrage que le précédent Rigoletto du Met, situé par Michael Mayer à Las Vegas, dans les années 1960.

Cette nouvelle production a été construite autour de Quinn Kelsey, le meilleur baryton Verdi américain du moment, que le public parisien avait pu applaudir dans le rôle-titre, à l’Opéra Bastille, en 2016. Hélas, déjà en mauvaise forme, le 31 décembre, soir de la première, l’artiste a dû déclarer forfait, pour raisons de santé, à quelques heures de la deuxième représentation, remplacé par sa doublure.

Également américain, Michael Chioldi (52 ans) s’était déjà produit au Met, au cours de la saison 1996-1997, dans une série de seconds plans convenant à un jeune baryton en début de carrière (Fléville dans Andrea Chénier, Pâris dans Roméo et Juliette, Moralès dans Carmen…). Depuis, il a effectué un parcours plus qu’honorable sur les scènes de région d’Amérique du Nord, ainsi qu’au New York City Opera.

Son retour au Met, après vingt-cinq années d’absence, a été salué par une spectaculaire salve d’applaudissements – amplement méritée, au regard de son courage et de son professionnalisme. La voix est celle d’un baryton lyrique, sans l’ampleur dévastatrice d’un Cornell MacNeil, pour ne citer que lui. Mais Michael Chioldi, dans un rôle qu’il maîtrise à la perfection, la déploie avec un remarquable sens des nuances et du phrasé. À son meilleur dans la confidence (« Ah ! Ebben, piango », « Piangi, fanciulla »), il n’en relève pas moins crânement le défi des passages plus dramatiques.

Ayant assisté aux débuts in loco de Piotr Beczala et Rosa Feola dans Rigoletto, respectivement en 2006 et 2019, nous étions curieux de les réentendre. À 55 ans, le ténor polonais demeure crédible en jeune premier et son chant a conservé l’essentiel de ses qualités, à commencer par le brillant indispensable au Duc. Reste que la voix s’est assombrie, nous laissant la sensation que le rôle devrait assez vite quitter son répertoire.

On portera aussi au crédit de Piotr Beczala la manière dont il s’accorde avec sa Gilda, dans leur grand duo d’amour. À 35 ans, la soprano italienne Rosa Feola apparaît au sommet de sa forme, avec un joli timbre clair, une manière extrêmement naturelle de phraser et une saisissante capacité à se faire entendre au-dessus de l’orchestre, dans les moments de paroxysme.

À quelques scories près, Andrea Mastroni fait, comme il se doit, froid dans le dos en Sparafucile, avec une voix d’un beau velours sombre. Pour ses débuts au Met, Varduhi Abrahamyan aborde Maddalena avec un timbre pas très bien placé. Mais sa composition de fille des rues, à la chevelure colorée au henné, tout droit sortie d’une peinture de George Grosz, est efficace.

Les comprimari, jadis fierté de la maison, sont inégaux, avec un Borsa routinier et un Marullo excessivement fruste. On retiendra, cependant, la Giovanna incisive d’Eve Gigliotti.

De retour au pupitre, après son Aida de 2017, Daniele Rustioni accomplit un sans-faute, avec une extraordinaire maîtrise de l’architecture de la partition, comme de la mise en valeur des moindres détails instrumentaux. On espère que le Met lui confiera de nombreux opéras de Verdi dans le futur !

DAVID SHENGOLD


© MET OPERA/KEN HOWARD

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