Mort à 26 ans, en 1736, Giovanni Battista Draghi, dit Pergolesi, est passé à la postérité pour deux œuvres : La serva padrona (1733) et le Stabat Mater (1736). Ce dernier, écrit pour soprano, alto, cordes et basse continue, supporte presque toutes les interprétations, de la théâtralité la plus démonstrative à la spiritualité la plus éthérée. Ceci participant, sans doute, à son succès ininterrompu depuis près de trois siècles.
S’il est difficile de recenser le nombre d’enregistrements existants (l’auteur de ces lignes en possède près de soixante…), cela ne saurait interdire à de nouveaux interprètes de s’y confronter à leur tour. Surtout quand le résultat s’avère aussi concluant que dans les deux versions qui viennent de nous parvenir, gravées en studio, en 2020.
Le recours à deux interprètes masculins n’est pas le choix le plus courant, mais l’association de la voix claire du sopraniste vénézuélien Samuel Mariño, avec le timbre corsé du contre-ténor italien Filippo Mineccia, se révèle particulièrement efficace dans le CD publié par Château de Versailles Spectacles. À un alto très théâtral, mais pas seulement, se joint un soprano que l’on attendait surtout à l’aise dans l’élégie, mais qui surprend par sa palette expressive, où finesse n’est jamais signe de monotonie.
Si les timbres n’ont sans doute pas la rondeur des voix féminines, souvent distribuées dans le Stabat Mater, et si le chant est parfois conduit sur le fil du rasoir, l’équilibre et la justesse de ton sont admirables.
La claviériste française Marie Van Rhijn, dirigeant le tout jeune Orchestre de l’Opéra Royal (une douzaine de musiciens), est le guide spirituel et organique de cette réussite. Le Stabat Mater sonne ici comme un corps vivant, éclairé d’une lumière en faisant ressortir les courbes et les accents. Du début à la fin, pas de froide perfection, mais une vraie vision.
PHILIPPE GENINAUD