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stravaganza d’amore ! La Naissance de l’opéra à la cour des Médicis

20/06/2017

Allegri – Brunelli – Buonamente – Caccini – Cavalieri – Fantini – Gagliano – Malvezzi – Marenzio – Orologio – Peri – Striggio
Pygmalion, dir. Raphaël Pichon

2 CD Harmonia Mundi HMM 902286.87

Comment ne pas rêver en évoquant la Florence du XVIe siècle ? Depuis le siècle précédent, la dynastie des Médicis s’est fortement implantée dans la ville, au point de la dominer – devenus, en 1531, ducs de Florence et grands-ducs de Toscane, ils détiennent les rênes du pouvoir.

Entre cette date et 1609, Alexandre, Cosme Ier, François Ier et Ferdinand Ier se succèdent. Dans le creuset intellectuel qu’est la ville, la philosophie et les disciplines artistiques occupent une place de choix. La fortune des Médicis leur permet d’être des mécènes influents, qui ont vite compris qu’il fallait mettre les arts au service de leur politique. Les fêtes qu’ils organisent, et pas seulement celles données en période de carnaval, sont restées célèbres par leur somptuosité, l’inventivité des musiques les accompagnant, le luxe de leurs décors ; naissances, mariages, tout est prétexte à réjouissances et à étonner le peuple.

L’une d’entre elles est demeurée particulièrement fameuse, donnée à l’occasion des noces, en 1589, de Ferdinand Ier et de Christine de Lorraine, petite-fille de Catherine de Médicis et d’Henri II, roi de France. Une pièce de théâtre en marque l’apogée, La pellegrina de Girolamo Bargagli ; selon la coutume, les actes parlés, comme dans l’Antiquité, sont entrecoupés d’intermèdes mythologiques musicaux, six en tout, dus à des compositeurs en vue : Cristofano Malvezzi, Emilio de’ Cavalieri, Luca Marenzio, Giulio Caccini, Jacopo Peri et Giovanni de’ Bardi. La scénographie, éblouissante, est signée Bernardo Buontalenti. À l’ère moderne, Andrew Parrott (EMI Classics), Paul Van Nevel (Sony Classical), Skip Sempé (Paradizo) ont ressuscité ces fastes sonores.

Plutôt qu’une reconstitution, Raphaël Pichon a préféré faire confiance à son imagination pour créer sa propre fête : quatre intermèdes en tout, le premier et le dernier à la gloire des épousailles ducales, encadrant deux tableaux plus dramatiques, contant les amours d’Apollon et Daphné et d’Orphée et Eurydice.

D’un côté, le dieu grec de la Lumière, des Arts et de la Musique, épris de la nymphe Daphné, laquelle, pour lui échapper, est changée en laurier rose. De l’autre, le fils de la muse Calliope qui, grâce à la lyre donnée par Apollon, charme les bêtes sauvages, et qui descend aux Enfers pour ramener son épouse Eurydice. Deux figures mythiques de musiciens, l’une divine, l’autre plus humaine, glorifiant l’union de la poésie et de la musique.

Pour parvenir à son objectif, le chef et musicologue français a emprunté plusieurs extraits de La pellegrina, mais a convoqué également des pages des Euridice de Peri et Caccini, d’Il rapimento di Cefalo de ce dernier, tous trois créés à Florence, en 1600, ainsi que de la Dafne de Marco da Gagliano, donnée en 1608. Sans oublier des madrigaux de Marenzio et Malvezzi.

En effet, l’enjeu musical de l’époque est de taille, qui voit la polyphonie madrigalesque s’effacer devant la monodie accompagnée pour soliste, facilitant la compréhension du texte et l’expression des sentiments. D’où le titre de ce livre-disque, dont les articles et illustrations captivent autant que la musique, Stravaganza d’amore !, venu de Marenzio, et son sous-titre, La Naissance de l’opéra à la cour des Médicis. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, les premiers balbutiements d’un genre auquel Claudio Monteverdi, en 1607, donnera son premier chef-d’œuvre avec L’Orfeo.

Le projet est ambitieux, à la fois artistique et pédagogique, et certains pourront le trouver artificiel. Mais la conviction de Pichon et de son équipe balaie toute réticence. Comment concilier la luxuriance chorale, l’émotion née des passages que les solistes doivent chanter, mais aussi dire, pour atteindre cette fusion des mots et des notes souhaitée par les auteurs (les poètes, tel Ottavio Rinuccini, faisant ici jeu égal avec les musiciens), et susciter l’impression d’un théâtre vivant ?

Pygmalion se montre exemplaire dans la mise en place et l’homogénéité du chœur, la flamboyance des couleurs instrumentales. Comment ne pas être touché par les plaintes d’Apollo ou d’Orfeo (« Funeste piagge » de l’Euridice de Caccini, dont Renato Dolcini, bouleversant, distille chaque soupir) ?

Ce voyage au pays du passé et aux sources de l’opéra est trop court.

MICHEL PAROUTY

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