Rachel Redmond (L’Amour, Clymène) – Chantal Santon-Jeffery (La Volupté, Charite) – Blandine Folio Peres (La Mode, Céphise) – Katherine Watson (Isbé) – Reinoud Van Mechelen (Coridon) – Thomas Dolié (Adamas) – Alain Buet (Iphis) – Artavazd Sargsyan (Tircis)
Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi
3 CD Glossa GCD 924001
Le 6 mars 2016 avait lieu au Müpa de Budapest, à la faveur d’une coproduction avec le Centre de musique baroque de Versailles, un concert au cours duquel György Vashegyi ressuscitait Isbé, « pastorale héroïque » de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772), écrite sur un livret du marquis de La Rivière et créée à l’Académie Royale de Musique, en 1742 (voir O. M. n° 118 p. 8 de juin 2016). Ce concert fut suivi de séances qui ont abouti à l’enregistrement qui nous arrive aujourd’hui, en première mondiale.
On n’est pas surpris par la forme de la partition, répartie en cinq actes et un Prologue mettant en scène l’Amour, la Volupté et la Mode. Vaste ouvrage de près de trois heures, Isbé fait irrésistiblement penser à Rameau, même si on ne trouve pas tout à fait ici la verve mélodique, ni la fantaisie instrumentale qui caractérisent l’auteur des Boréades, malgré les flûtes volubiles que font entendre, dès le Prologue, les rossignols amoureux. Mais c’est là réserve mineure devant la splendeur d’un opéra dont la tension dramatique et musicale, une fois l’exaltant Prologue achevé (magnifié ici par la belle voix sombre de Blandine Folio Peres), va croissant jusqu’à l’irrésistible duo final qui réunit Coridon et Isbé, saturé de volupté amoureuse.
L’histoire est celle de la charmante Isbé, éprise du berger Coridon, dont le rival n’est autre qu’Adamas, chef des druides et grand prêtre. Soprano, ténor, baryton : on tient là une distribution des rôles sans surprise. Airs et ensembles alternent avec beaucoup d’invention avec récitatifs, chœurs et danses ; l’intérêt dramatique est relancé par l’irruption, au deuxième acte, du farouche Adamas (excellent Thomas Dolié, qui ne joue pas au « méchant » de pacotille), et l’intérêt musical par une suite d’intermèdes instrumentaux toujours inspirés.
Il suffit d’écouter le quatrième acte pour montrer la variété du propos de Mondonville : au très bel air d’Isbé « Laisse-moi soupirer, importune grandeur », chanté ici avec une poignante simplicité par Katherine Watson, succèdent une grande scène avec Coridon et Iphis, un prélude instrumental se superposant ingénieusement à l’entrée de Céphise, puis une symphonie plus développée qui, elle aussi, se mêle à un air de Céphise, le timbre de Blandine Folio Peres contrastant idéalement avec la fragilité de Katherine Watson, et ainsi de suite.
Au disque, la diction du Purcell Choir nous semble un peu moins parfaite que lors du concert, mais son engagement et son bonheur de chanter font merveille. Inversement, l’Orfeo Orchestra (qui se contente de cordes sans altos, de bois par deux et de percussions), qui nous avait paru un peu trop poli, brille de tous ses feux, sous l’impeccable baguette de György Vashegyi.
On retrouve ici, outre ceux qu’on a cités, des interprètes qui nous sont familiers et sont parfaitement dans leur emploi, notamment la toujours élégante Chantal Santon-Jeffery et le toujours juste Alain Buet. Reinoud Van Mechelen est un Coridon tantôt héroïque, tantôt élégiaque. Enfin, Rachel Redmond chante l’Amour avec une aisance confondante, mais aussi un enthousiasme qui est à l’image de l’enregistrement tout entier.
CHRISTIAN WASSELIN