Anna Netrebko (Manon Lescaut) – Armando Piña (Lescaut) – Yusif Eyvazov (Renato Des Grieux) – Carlos Chausson (Geronte di Ravoir) – Benjamin Bernheim (Edmondo) – Erik Anstine (L’Oste, Un sergente) – Szilvia Vörös (Un musico) – Patrick Vogel (Un maestro di ballo, Un lampionaio) – Simon Shibambu (Un comandante) Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Münchner Rundfunkorchester, dir. Marco Armiliato
2 CD Deutsche Grammophon 479 6828
Immédiatement édité, et avec grand soin (pour une fois, livret en français – même si c’est dans l’ancienne et très libre adaptation de Maurice Vaucaire !), bénéficiant d’une superbe prise de son, le concert donné au Grosses Festspielhaus de Salzbourg, en août dernier, nous revient exactement tel qu’en salle (voir O. M. n° 121 p. 58 d’octobre 2016).
Anna Netrebko y triomphe légitimement, après deux premiers actes plus prudents, s’épanouissant somptueusement et avec une dimension dramatique impressionnante jusqu’à un poignant « Sola, perduta, abbandonata », magistralement conduit. Malgré le bel envol de la voix et un impeccable piano final, « In quelle trine morbide » n’est pas le plus irrésistible. C’est « Oh, saro la più bella ! » qui nous hausse ensuite définitivement au niveau de la tragédie la plus enflammée, et la plus émouvante : vibrato de l’aigu bien contrôlé, médium et grave opulents et homogènes.
Parfois un peu court de souffle, et bien trop monocorde (avec, par exemple, « Una casetta angusta » sans assez de charme), le Lescaut d’Armando Piña est acceptable, tandis que l’Edmondo lumineux de Benjamin Bernheim brille d’une élégance et d’une séduction rares, et que Carlos Chausson donne un parfait et très crédible Geronte.
Le point discutable reste le Des Grieux de Yusif Eyvazov, dès un « Tra voi, belle » aussi peu distingué que possible. Trop souvent sommaire et emphatique (« Ah ! Manon, mi tradisce » au II, les sanglots dans la voix pour le finale du III…), il semble pressé, dès qu’il est seul, de filer vers des aigus avantageux et donnés sans mesure («Donna non vidi mai »). Sa partenaire, à la scène comme à la ville, parvient pourtant à le discipliner, et les duos du II et du IV atteignent à la plus grande émotion.
Plus encore qu’au concert, on apprécie la qualité de premier plan de l’orchestre (munichois) et des chœurs (viennois), comme de la direction légère d’un Marco Armiliato en état de grâce, permettant d’archiver désormais l’ensemble, malgré ses limites, parmi les références de base.
FRANÇOIS LEHEL