Schubert
Fierrabras
Georg Zeppenfeld (König Karl) – Julia Kleiter (Emma) – Markus Werba (Roland) – Franz Grüber (Ogier) – Benjamin Bernheim (Eginhard) – Peter Kalman (Boland) – Michael Schade (Fierrabras) – Dorothea Röschmann (Florinda) – Marie-Claude Chappuis (Maragond) – Manuel Walser (Brutamonte) Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Wiener Philharmoniker, dir. Ingo Metzmacher. Mise en scène : Peter Stein. Réalisation : Peter Schönhofer (16:9 ; stéréo : PCM ; DTS 5.0)
2 DVD Cmajor 730708
Tout au bonheur de voir sur scène un Schubert majeur, nous avions été captivés par le spectacle, en août 2014, au Festival de Salzbourg (voir O. M. n° 99 p. 65 d’octobre). Au DVD, l’enchantement est moindre. Car le filmage consciencieux de Peter Schönhofer met encore plus en évidence les limites du parti radical de Peter Stein.
Celui-ci revendique explicitement la seule composition de « tableaux vivants », dans le but chimérique de replacer le spectateur d’aujourd’hui dans les conditions d’« innocence » supposée de ce qui aurait été celui des années 1820 (si l’œuvre avait été jouée !), suivant à la lettre, et au tout premier degré, un livret largement coupé par lui dans les dialogues. C’est se dérober à la responsabilité du metteur en scène qui ne peut se contenter de laisser parler la seule musique, en la mimant le plus souvent – et avec ce statisme obstiné, des chœurs en particulier, comme il le revendique encore.
L’imagerie romantique reste pourtant extrêmement séduisante, grâce aux splendides décors en noir et blanc de Ferdinand Wögerbauer et aux resplendissants costumes d’Annamaria Heinreich, bien mis en valeur par les éclairages inventifs de Joachim Barth.
On resterait, par ailleurs, sur sa faim sans un plateau vocalement de tout premier plan, et parfaitement homogène, qui réintroduit la chair et le sang dans ces images figées, par un admirable investissement. Tous seraient à citer, mais on mettra en avant la très émouvante Florinda de Dorothea Röschmann, qui fait vraiment décoller l’œuvre à partir de son air « Die Brust, gebeugt von Sorgen ».
On signalera encore la beauté, à la fois immaculée et palpitante, de l’Emma de Julia Kleiter, la fougue parfois un peu désordonnée du Roland de Markus Werba, les beaux graves profonds du Roi de Georg Zeppenfeld, la superbe ligne de chant de l’Eginhard de Benjamin Bernheim, au timbre lumineux idéal pour le rôle, l’engagement du Fierrabras de Michael Schade enfin, pourtant laissé au second plan par la partition, comme par la mise en scène.
Avec un Wiener Philharmoniker pas suffisamment mis en valeur par la prise de son, un peu sèche (mais avec de très remarquables chœurs), Ingo Metzmacher donne l’exécution impeccable dont on gardait le souvenir, mais là aussi, légèrement minorée, en prenant le même parti de « mise en aplat » que celui de la production.
Triomphant facilement de son seul concurrent (avec Franz Welser-Möst et Claus Guth à Zurich, en 2002, chez EMI/Warner Classics), ce DVD est évidemment indispensable. Mais l’enregistrement audio de Claudio Abbado (CD Deutsche Grammophon, 1988) reste nécessaire, et il y a toujours place pour d’autres propositions qu’on espère nombreuses, tant la beauté de l’œuvre continue de s’imposer.
FRANÇOIS LEHEL