Du 6 au 14 novembre, à l’Opéra-Comique, le metteur en scène australien propose sa vision de Die Zauberflöte, créée en 2012 au Komische Oper de Berlin, théâtre qu’il dirige depuis maintenant six saisons.
Qu’est-ce que Die Zauberflöte ? Un conte de fées, de la propagande maçonnique, un réquisitoire raciste et misogyne, ou, au contraire, un plaidoyer féministe ?
Rien de tout cela ! C’est du théâtre de Schikaneder. Il est toujours très important de comprendre le contexte dans lequel un ouvrage a été donné. Bien sûr, certains passages où il est question des femmes, comme le duo des Prêtres (« Bewahret euch vor Weibertücken ») que nous avons coupé dans notre production, provoquent un mouvement de recul. Et notre perspective sur Monostatos a radicalement changé depuis le XVIIIe siècle. Mais là n’était pas l’intention de la pièce. Schikaneder était acteur, metteur en scène, auteur, producteur, en somme un formidable homme-orchestre. Et Mozart n’a pas soudain voulu s’essayer à un genre tenant à la fois du cabaret et du grand spectacle à machines : le public de Schikaneder venait dans son théâtre pour y voir de l’eau, du feu, une superproduction comme il en existe à Las Vegas aujourd’hui. L’ironie, c’est que tout le monde pense que Mozart a dû s’abaisser à travailler avec Schikaneder à la fin de sa carrière. Pur snobisme ! C’est comme si l’on me proposait de monter un grand show burlesque : je me précipiterais, et plutôt deux fois qu’une ! Mozart a pris un plaisir immense à participer à la création de cette œuvre monstrueuse, où se mêlent des morceaux de « Singspiel », de vaudeville, d’« opera seria »… Elle fonctionne comme une fable d’Ovide, ou un conte de Grimm, à des niveaux multiples. Mais la sur-analyser est dangereux.
Comment ces différents éléments s’articulent-ils dans votre spectacle ?
La meilleure production de Die Zauberflöte, selon moi, est celle d’Achim Freyer à Salzbourg, parce qu’il traitait la pièce à la manière d’un spectacle de cirque, avec naïveté et simplicité. Certains en font un opéra pour enfants superficiel, d’autres la transforment en Parsifal ou Wozzeck : ces deux extrêmes sont problématiques. Raison pour laquelle je me suis longtemps tenu à l’écart de l’ouvrage. Jusqu’à ma découverte du travail de Suzanne Andrade et Paul Barritt, du collectif 1927. En voyant la petite forme qu’ils présentaient dans un festival à Hanovre, j’ai pensé que leur fantaisie en deux et trois dimensions, leur humour, leur vocabulaire très étrange, en termes d’animation, pouvaient fonctionner à très grande échelle. C’est ainsi que le projet a vu le jour.