Depuis combien de décennies n’avait-on plus représenté La Reine de Chypre d’Halévy, Le Timbre d’argent de Saint-Saëns et Le Prophète de Meyerbeer dans l’Hexagone ? Progressivement tombé dans l’oubli, tout un pan du répertoire français du XIXe siècle refait surface, en grande partie grâce aux efforts du Palazzetto Bru Zane. Il était donc logique que l’honneur d’ouvrir ce dossier revienne à Alexandre Dratwicki, son directeur scientifique, à l’origine du retour de La Reine de Chypre et du Timbre d’argent à Paris, respectivement au Théâtre des Champs-Élysées (en version de concert) et à l’Opéra-Comique (avec mise en scène), les 7 et 9 juin, dans le cadre du festival organisé chaque année par le Palazzetto.
Le Festival « Palazzetto Bru Zane à Paris», qui en est à sa 5e édition, se déroulera du 7 au 16 juin prochain. Aura-t-il un thème particulier ?
Non, même si Saint-Saëns et Fernand de La Tombelle, deux compositeurs que nous avons suivis toute la saison, y auront leur place. Ce festival, c’est l’occasion pour nous d’avoir un espace de liberté, de faire ce que nous ne pourrions pas faire autrement. Nous proposons ainsi trois ouvrages lyriques, dans trois salles différentes, en l’espace de trois jours : La Reine de Chypre d’Halévy, en concert au Théâtre des Champs-Élysées, Phèdre de Lemoyne, aux Bouffes-du-Nord et Le Timbre d’argent de Saint-Saëns, à l’Opéra-Comique. C’est beaucoup pour une petite équipe comme la nôtre !
Pourquoi ce choix du Timbre d’argent, en coproduction avec l’Opéra-Comique ?
Le Palazzetto Bru Zane s’intéresse beaucoup à Saint-Saëns, qui fait partie des musiciens à la fois célèbres et méconnus ; nous avons déjà permis au public de réentendre Les Barbares en 2014, Proserpine en 2016, et donné plusieurs récitals de mélodies. Le Timbre d’argent est un ouvrage auquel Saint-Saëns tenait énormément. Il commence à l’écrire en 1864, mais la création n’a lieu qu’en 1877, au Théâtre National Lyrique. Il le remanie encore en 1913, dans la perspective d’une reprise à la Monnaie de Bruxelles, en mars 1914. Il croyait vraiment dur comme fer dans cet opéra !
Il en existe donc plusieurs moutures…
L’une d’entre elles, proposée par Saint-Saëns à l’Opéra-Comique, contient des dialogues parlés. L’Opéra de Paris avait également été contacté par le compositeur, sans qu’aucun projet n’aboutisse, des problèmes surgissant à chaque fois. Il existe, en tout, sept versions du Timbre d’argent, dont plusieurs avec des récitatifs, ou des mélodrames, à savoir des textes parlés sur fond musical. Celle de 1913, que nous avons décidé de représenter, est la dernière revue par Saint-Saëns, et elle comporte des récitatifs.
Que pourriez-vous dire de l’intrigue ?
Le livret a été écrit par Jules Barbier et Michel Carré, qu’on connaît surtout comme auteurs du Faust de Gounod. Il est incroyable, ne serait-ce que parce qu’il fonctionne comme un flash-back, ce qui était nouveau à l’époque. Le personnage féminin principal, Circée, est une danseuse, comme c’était le cas dans La Muette de Portici d’Auber. Son rôle est très important : elle a même des duos d’amour avec le ténor, dans lesquels elle répond aux phrases de son soupirant par des pantomimes ! Saint-Saëns a noté très exactement les paroles qu’elle doit exprimer.