Les 24 et 25 septembre, en coproduction avec le Festival Musica et le Conservatoire de Strasbourg, l’Opéra National du Rhin propose Mririda, opéra de chambre inspiré au compositeur franco-marocain par la vie et l’œuvre de la poétesse amazighe Mririda N’Aït Attik.
Votre identité musicale s’est forgée à la croisée d’une double culture : arabo-berbère, liée à votre terre natale marocaine, où vous avez reçu une première formation ; l’autre acquise dès votre arrivée en France, en 1962, où l’univers des musiques ancestrales s’est vivifié au contact de la création contemporaine européenne. Au sein de votre important corpus, les œuvres auxquelles la voix est associée occupent une place prépondérante ; vous êtes, en particulier, l’auteur de plusieurs opéras. Votre goût pour la voix est-il lié à l’héritage venu de vos origines ?
La voix a inspiré une part essentielle de ma création, en relation avec mes recherches d’ethnomusicologue sur l’oralité et sa notation, ainsi que sur le temps musical et sa pulsation. Elles se sont portées sur le patrimoine de cette région montagneuse du Haut Atlas marocain, dans la vallée de la Tessaout, où la tradition orale est véhiculée par le pouvoir émotionnel de la voix, omniprésente dans la transmission et la conservation mémorielle pour exalter la poésie, les sonorités de la langue. Cependant, mon écriture n’emprunte ni ne réinterprète les musiques traditionnelles ; celles-ci m’ont simplement appris à appréhender le sonore autrement.
Avec Mririda, vous revenez sur les traces de la culture amazighe du Haut Atlas. Au cœur de ces traditions, rayonne votre héroïne, Mririda, troubadour et hétaïre, née vers 1900, dont vous aviez déjà mis en musique des poèmes, il y a neuf ans. Pour quelle raison avez-vous ressenti la nécessité d’explorer ce personnage mythique comme sujet d’opéra ?
Mririda N’Aït Attik est incontestablement l’une de ces figures magnétiques et légendaires ; elle m’habite depuis des années. Ses poèmes incarnent l’originalité et la fraîcheur de l’âme berbère, ses chants et ses danses. On sait peu de choses d’elle. Elle a été découverte en 1927 par René Euloge, un instituteur français qui, fasciné, a consigné ses poèmes. Son œuvre est puissante, et sa condition de femme libre, rebelle même, mordant la vie à pleines dents et jouissant de son corps sans culpabilité, tranche avec la situation bouleversante des femmes effacées de sa culture. Sur la trame d’une fiction qui situe l’action sur une terre détruite par les tensions et les violences de la guerre, dans un temps et un lieu indéterminés, j’ai voulu donner une vérité scénique à cet être authentique, engagé avec courage dans la résistance à l’occupant, à cette voix des montagnes qui appelle à la liberté. Le destin de Mririda prend aujourd’hui une dimension métaphorique exemplaire, face à tous les extrémismes qui aliènent, déstabilisent et déchirent notre monde.