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© DARIO ACOSTA

Après avoir triomphé dans Don Carlo à l’Opéra National de Bordeaux, en septembre dernier, la soprano franco-sud-africaine, désormais lancée dans une grande carrière internationale, retrouve Elisabetta à l’Opéra National du Rhin, à partir du 17 juin, dans une nouvelle production de Robert Carsen. Un rôle qui lui va comme un gant, à l’instar d’une autre célèbre Elisabetta, celle de Maria Stuarda, où elle vient à nouveau de rallier tous les suffrages au Metropolitan Opera de New York.

Quand nous nous étions rencontrés une première fois pour Opéra Magazine, il y a cinq ans (1), vous vous apprêtiez à aborder Leonora dans Il trovatore, à Bordeaux, avant de faire vos débuts à l’Opéra National de Paris, en Fiordiligi dans Cosi fan tutte. Vous me disiez alors que Mozart était le compositeur que vous aviez le plus interprété et que vous espériez le chanter « dans l’idéal » jusqu’à votre retraite, tandis que Verdi était en passe de devenir l’autre pilier de votre répertoire… Cela est-il toujours vrai aujourd’hui ?

C’est amusant, parce que j’ai l’impression que ces deux compositeurs se font moins présents, surtout Mozart que je n’ai pas chanté du tout, cette saison. Et pourtant, il me semble toujours très important de le garder à mon répertoire comme un gage de santé vocale, car sa musique demande une discipline technique, une beauté sonore et une flexibilité qui rendent idéal, par exemple, de pouvoir glisser un Don Giovanni entre une série de Norma et de Lohengrin. Pour le moment, je ne renonce à aucun de mes quatre rôles mozartiens – Donna Anna, Elettra dans Idomeneo, Vitellia dans La clemenza di Tito, Fiordiligi – et je suis ravie de retrouver Elettra au Metropolitan Opera de New York, en mars 2017. J’adorerais maintenant ajouter à ma liste la Comtesse Almaviva dans Le nozze di Figaro !

J’ai lu que vous ne vouliez pas aborder Donna Elvira. Est-ce le personnage qui ne vous intéresse pas ? Ou craignez-vous ces accès d’hilarité du public à chacune de ses réapparitions, dont se plaignait Felicity Lott ?

Oh, pas du tout. Je n’ai aucune difficulté à incarner des personnages qui peuvent paraître un peu ridicules… C’est un risque très fréquent à l’opéra ! Le problème est purement vocal : je n’arrive pas à venir à bout de « Mi tradi », et notamment des longues vocalises de la fin. Beaucoup considèrent Donna Anna comme un rôle bien plus difficile, mais pas moi ! C’est sans doute une question de tessiture : ces vocalises sont constamment sur le passage, cela me serait beaucoup plus aisé un peu plus haut…

Vous dites chanter moins Verdi. Vous avez pourtant commencé cette saison avec Elisabetta dans une nouvelle production de Don Carlo, à Bordeaux, et vous allez la finir avec ce même rôle dans une autre nouvelle production, à l’Opéra National du Rhin…

Et j’en suis heureuse, car Elisabetta, que j’ai abordée très tôt dans ma carrière, m’est particulièrement chère. Certes, je regrette qu’à Bordeaux, comme à Strasbourg et Mulhouse d’ailleurs, il s’agisse de la version italienne de 1884, dite « de Milan », donc sans l’acte de Fontainebleau. Or, ce grand tableau d’introduction au drame me semble fondamental pour traduire toute la complexité de cette jeune princesse, qui nous est d’abord montrée pleine de joie et amoureuse ; on comprend mieux sa frustration d’épouse et de reine, si on l’a vue si rayonnante auparavant… Cela dit, mes passages préférés se trouvent au dernier acte : « Tu che le vanità », suivi du sublime duo d’adieu avec Carlo – sans oublier l’ultime aigu fortissimo où l’on peut tout donner, vraiment jouissif si on a bien géré l’énergie jusque-là. À l’Opéra National du Rhin, j’attends énormément du travail avec Robert Carsen : c’est un metteur en scène dont j’ai toujours beaucoup aimé les spectacles, mais avec qui je n’ai encore jamais collaboré. Il n’y aura pas de Verdi au programme de ma prochaine saison, excepté mes débuts en Elvira dans Ernani, en janvier 2017, pour deux concerts à Francfort. Et pourtant, j’aimerais le chanter le plus possible : refaire plus souvent Otello et Il trovatore, par exemple, ou reprendre des rôles rares, comme Giselda (I Lombardi) et Hélène (Les Vêpres -siciliennes). En revanche, du moins pour le moment, je ne m’imagine pas dans Un ballo in maschera, ni dans La forza del destino d’ailleurs, dont la tessiture est un peu grave pour moi… Ce que je préfère dans Verdi, c’est exploiter sa veine post-belcantiste.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 118

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