Le jeune chef italien n’entrera en fonctions qu’en septembre 2017, mais l’histoire d’amour entre l’Opéra et lui a déjà commencé. Confirmation le 16 mars, avec une nouvelle production de La Juive, mise en scène par Olivier Py, dans le cadre du festival « Pour l’humanité ».
La Juive est-elle une proposition de Serge Dorny, le directeur général de l’Opéra de Lyon, ou un choix commun ?
Serge Dorny avait l’intention de monter cet ouvrage. Lorsque je suis venu diriger Simon Boccanegra à Lyon, en mai 2014, il m’a demandé quel répertoire je voulais faire. Bien sûr, je connaissais La Juive, sans pour autant avoir jamais étudié la partition. Le contexte du festival annuel, organisé par l’Opéra, me semblait idéal pour prendre la mesure exacte des forces de la maison, car il s’agit probablement de la période de travail la plus intense de la saison. Après ma « cure » d’Antonio Pappano, ce grand amoureux des voix dont j’ai été l’assistant pendant deux ans, La Juive est une merveilleuse opportunité pour approfondir la question du phrasé – plus encore que celle des équilibres, qui me semblent ne poser aucun problème dans l’acoustique de l’Opéra de Lyon. Car, il faut le reconnaître, l’écriture mélodique – dont l’air d’Éléazar, « Rachel, quand du Seigneur », n’est qu’un exemple – a beaucoup en commun avec le bel canto.
Quelles autres influences décelez-vous chez Halévy ?
Il faut évidemment davantage soutenir l’expression que dans un « opera buffa » de Rossini ! Pas seulement en termes de volume sonore, mais aussi de style. Les musiciens français abordent un climax de manière plus suspendue et aérienne que leurs confrères étrangers. Je dois m’approprier cette élégance, ce charme dans le phrasé, l’expression, le vibrato, sans pour autant être superficiel, c’est-à-dire en ne dirigeant que la mélodie, au détriment de la structure et de l’harmonie. Mon rôle est de trouver un équilibre entre tous ces aspects. Du point de vue de l’économie générale de la pièce, je sais comment traiter les éléments propres au « grand opéra », à commencer par la longueur. À cet égard, nous avons décidé, en accord avec Olivier Py, de pratiquer des coupures. Par rapport à la version jouée au Staatsoper de Vienne ces dernières années, la nôtre sera une sorte d’hybride. La structure du « grand opéra » n’en sera pas moins préservée, avec cette alternance caractéristique entre scènes de foule et passages plus intimistes.
Qu’est-ce qui distingue Halévy de ses contemporains – de Meyerbeer, notamment ?
Dans La Juive, Halévy crée non seulement une couleur spécifique à chaque scène, mais lui confère une variété kaléidoscopique. Cette hétérogénéité est fascinante – et constitue un défi aussi pour le metteur en scène ! Halévy ajoute à la beauté des mélodies des exigences dramatiques fortes. Il est d’autant plus difficile pour les chanteurs de se maintenir à une température élevée que l’œuvre ne fait pas toujours le travail par elle-même, et nécessite l’aide de l’interprète. Certains opéras, ceux de Puccini par exemple, fonctionnent tout seuls. Dans Bellini ou Donizetti, il faut parfois remplir les vides… Les miracles harmoniques produits par le compositeur, qui l’inscrivent dans une autre dimension, sont alors d’un grand secours pour le chef.