Nommée en décembre 2013, la nouvelle directrice générale de l’Opéra Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon a pris ses fonctions dans une maison en pleine crise institutionnelle, financière et humaine. Au moment où s’ouvre, le 19 novembre, une saison lyrique 2014-2015 essentiellement conçue par Jean-Paul Scarpitta, son prédécesseur, Valérie Chevalier dresse un état des lieux et explique comment elle compte redresser la situation dans les années à venir.
L’Opéra Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon a connu récemment une période de troubles ; qu’en est-il aujourd’hui ?
Juridiquement, la situation n’est pas encore réglée. La structure « Opéra Orchestre » était censée changer de statut pour devenir un EPCC, soit un Établissement public de coopération culturelle, mais ce n’est pas encore fait ; elle fonctionne toujours sous la forme d’une association régie par la loi de 1901 et nous ne savons pas jusqu’à quand ; techniquement, en effet, nous ne sommes pas tout à fait prêts et Christian Bourquin, le président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, est décédé quelques jours avant la dissolution de l’association. La maison continue à subir le poids d’un lourd déficit que les tutelles, l’État, l’Agglomération, la Région, se sont engagées à combler, et qui tourne autour de 700 000 euros. Aujourd’hui, c’est clair, il ne reste presque rien pour l’artistique sur un budget d’environ 23 millions d’euros ; c’est à peine si nous disposons de 2,5 millions alors que, dans une ville que je connais bien comme Nancy, par exemple, le montant dévolu à ce poste est de 5 millions !
Quelle est l’origine de ces problèmes financiers ?
La Région a retiré subitement 5 millions d’euros et ne les a pas remis. L’Agglomération a fait un effort supplémentaire, mais il manque encore 2 millions. L’État nous en donne 2, la Région, 4 et l’Agglomération, 13.
Les charges sont-elles conséquentes ?
Elles sont très lourdes. La masse salariale de la maison est importante, car elle comprend aussi l’Orchestre et le Chœur ; nous avons une formation de quatre-vingt-quinze musiciens, et un cadre de trente choristes, sans compter un personnel administratif et technique important. Et, surtout, n’oublions pas les loyers, car nous ne sommes pas hébergés gratuitement au Corum ; la salle de l’Opéra Berlioz ne nous appartient pas, elle est louée.
Dans ce budget, il faut aussi faire entrer Opéra Junior, qui était auparavant une structure indépendante.
C’est un projet pédagogique essentiel, auquel nous sommes très attachés. Cent cinquante enfants y participent ; depuis peu, nous avons également fait venir des éléments plus âgés, de 18 à 25 ans. Certains membres sont là depuis longtemps, d’autres ont fait leur chemin dans le métier ; Marianne Crebassa, pour ne citer qu’elle, vient d’Opéra Junior. Tous reçoivent une formation vocale et chorale ; j’y ai ajouté le solfège et je souhaite compléter avec la danse et l’histoire de la musique. Tous les ans, chaque groupe, de l’enseignement primaire, du collège, du lycée, de la faculté, monte un ouvrage différent dans des conditions professionnelles. L’Enfant et les sortilèges est au programme, cette année ; les aînés assureront une partie des chœurs en parrainant, en quelque sorte, les plus jeunes, et le spectacle sera repris pendant la saison régulière.
La situation de la maison était connue de tous. Certains candidats à sa direction ont jeté l’éponge, vous avez persisté.
Accepter ce poste était un défi ! Mais c’est un établissement qui dispose de ressources humaines colossales, engagées et compétentes. À Nancy, j’ai pris un réel plaisir à travailler en tant que directrice de l’administration artistique de l’Opéra National de Lorraine, d’autant que je m’entendais très bien avec Laurent Spielmann, le directeur général. Nous avons fait débuter en France une cantatrice comme Martina Serafin, des metteurs en scène aussi : David Hermann, Carlos Wagner, Claus Guth… Au bout de neuf ans, il était temps d’aller vers d’autres propositions.
Quelles sont les grandes lignes de votre politique ?
Le nerf de la guerre, surtout à l’opéra, c’est l’argent, hélas… Je tiens, bien sûr, à développer les coproductions. Et j’ai mis en place un système de résidence et de fidélisation, auquel participe déjà l’ensemble baroque Les Ombres, fondé par Margaux Blanchard et Sylvain Sartre ; le baroque, en effet, est inscrit au cahier des charges d’un « Opéra National ». Je pense également à plusieurs metteurs en scène très prometteurs et leurs équipes, qui pourraient résider à Montpellier pendant deux ou trois ans. Je souhaite travailler avec des jeunes, c’est une satisfaction de pouvoir les aider, de les suivre sur plusieurs saisons. L’époque est difficile pour tout le monde, pour les chanteurs, et encore plus pour les metteurs en scène et les compositeurs.
Pensez-vous à un artiste en particulier ?
J’ai le projet de faire venir Tal Isaac Hadad, compositeur et plasticien ; c’est une idée qui se concrétisera, j’espère, en 2016. Quelqu’un à qui nous pourrions commander une œuvre symphonique, un travail lyrique avec Opéra Junior, et des parcours et ateliers-participatifs en direction des différents publics. Il reste un gros travail de communication à accomplir pour nous faire connaître de tous. J’ai d’ailleurs fait mettre sur pied l’utilisation de Facebook et Twitter, ainsi que l’application Opéra Orchestre de Montpellier.
Quelle est la durée de votre mandat ?
J’ai été engagée par une association, donc je suis en contrat à durée indéterminée ; si la maison devient un EPCC, j’aurai un contrat de trois ans. Mais la philosophie, dans chacun des deux cas, est différente. Dans un EPCC, la politique autour d’un projet artistique est plus globale, mais le financement et les contributions de tous sont pérennisés, alors que dans une association, le budget est voté annuellement.
Vous devez assumer une saison 2014-2015 qui n’est pas la vôtre, mais celle de votre prédécesseur…
Certes, mais les choses étaient claires dès le départ. J’ai juste ajouté plusieurs concerts baroques, et offert deux « cartes blanches » à Juliette Deschamps, en résidence dès 2015 : un premier spectacle autour des Variations Goldberg de Bach, avec le pianiste Dan Tepfer, que Juliette mettra en images ; et un autre, intitulé A Queen of Heart, conçu autour de Rosemary Standley, la chanteuse du groupe Moriarty. Il faut attirer le public et le rajeunir ; nous avons bien des étudiants, mais ils nous quittent une fois leur cursus achevé pour entrer dans le monde du travail, souvent dans d’autres villes. Le problème, ce sont les jeunes actifs. Nous avons donc imaginé un abonnement « Petits et Grands », comprenant six spectacles destinés aux familles, à des prix très bas.