Opéras Entre Walt Disney et Tex Avery à Nancy
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Entre Walt Disney et Tex Avery à Nancy

08/01/2022

Opéra National de Lorraine, 19 décembre

Rien n’interdit d’aborder Die Zauberflöte en gardant sa part d’enfance. Pourquoi pas une approche naïve, fondée sur le simple potentiel d’émerveillement des images, sans trop chercher à approfondir ?

Manifestement, le seul fil conducteur de la mise en scène d’Anna Bernreitner est la succession de rêves de Tamino, un petit prince qui ne perçoit le monde extérieur que comme l’amplification diffusément angoissante de sa chambre d’enfant. Un lieu sécurisant, au papier peint joliment rayé de rose, de bleu ou de jaune, mais dont les portes s’ouvrent sur d’autres univers : sombres forêts, grottes et donjons de carton-pâte.

Globalement, la production combine trois univers décoratifs différents, disposés sur une scène tournante de faible diamètre, un usage astucieux de la vidéo tentant de donner à ce dispositif vite fastidieux un semblant de profondeur, voire d’humour. On navigue à vue entre Walt Disney et Tex Avery, sans trop s’ennuyer, même si le simplisme des images n’évite pas toujours le ridicule, dont quelques costumes et perruques franchement difficiles à porter !

Quelques idées originales, dont un Papageno davantage oiseau qu’oiseleur, trois Dames inséparables, soudées dans la même robe à paniers, une Reine de la Nuit suspendue dans les airs par un harnais, trois Génies déboulant sur un toboggan couleur arc-en-ciel… Mais l’histoire, de surcroît taillée au plus juste, du fait d’une réduction drastique des dialogues parlés, ne nous mène vraiment pas loin.

Le conte fonctionnerait-il mieux, s’il était raconté avec davantage de moyens et d’imagination ? Pour notre sensibilité d’adulte, la soirée reste un peu fruste, même si les petits y auront, sans doute, trouvé davantage de sujets d’enchantement.

En fosse, Bas Wiegers dirige joliment, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra National de Lorraine qui sonne confortablement, en dépit d’un effectif relativement réduit. Dommage que le plateau ne soit pas mieux contrôlé, l’agogique des ensembles vocaux, et même des chœurs, restant plutôt erratique.

Dans la distribution, d’une moyenne d’âge très jeune, la palme de la pertinence revient au parfait Papageno de Michael Nagl : un joli timbre de baryton, clair mais jamais mince, et une faconde attachante, nourrie d’une pointe d’accent autrichien, en harmonie avec la charmante Papagena d’Anita Rosati.

Les deux autres « couples » fonctionnent moins bien. Le Sarastro de David Leigh descend sans problème dans le grave, mais son timbre ne séduit guère, et la Reine de la Nuit de Christina Poulitsi, si elle négocie ses vocalises sans accroc, n’a jamais l’ampleur glaciale du rôle.

Jack Swanson chante Tamino avec une certaine élégance, parfois compromise par des aigus guindés – et, plus encore, par l’absence totale de consistance du personnage de petit garçon benêt qu’on lui fait jouer. En revanche, la pauvre Christina Gansch, Pamina engoncée sous sa perruque blonde et vite à bout de souffle, handicapée par un haut de tessiture voilé et fixe, n’est jamais en mesure de nous faire rêver, et encore moins de nous émouvoir.

LAURENT BARTHEL


© OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE/JEAN LOUIS FERNANDEZ

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